Des équipements non conformes ou défaillants, dont le revêtement inflammable du bâtiment, sont responsables de la catastrophe de la tour Grenfell, selon les rapports d’experts présentés lundi 5 juin, dans le cadre de l’enquête publique sur l’incendie survenu à Londres le 14 juin 2017. Parti d’un congélateur défectueux au quatrième étage avant de se propager à grande vitesse au reste du bâtiment, ce feu a fait 72 morts.

« Le nombre d’éléments non-conformes observés montre l’existence d’une culture de la non-conformité à la tour Grenfell », a affirmé l’une des expertes, Barbara Lane, mandatée dans le cadre de l’enquête publique. « Je n’ai trouvé aucune preuve que les membres des équipes de conception ou de construction avaient déterminé la résistance au feu des matériaux du revêtement anti-pluie » installé sur le bâtiment.

Les pompiers, les équipes de contrôle de la sécurité du bâtiment ou l’organisme de gestion de cet immeuble HLM n’étaient pas non plus informés des performances de ce matériel, non conforme aux réglementations en vigueur au Royaume-Uni, d’après son rapport.

Barbara Lane a pointé la responsabilité du revêtement dans la propagation rapide du feu : sur la façade extérieure, les flammes, apparues au quatrième étage à 1 h 14, ont atteint le vingt-troisième étage douze minutes plus tard.

Une consigne qui a « fait toute la différence »

Le caractère inflammable du revêtement a rendu inopérante, selon elle, la stratégie des pompiers, qui ont d’abord demandé aux habitants de rester confinés dans leurs appartements, avant de finalement procéder à l’évacuation de la tour, à partir de 2 h 47. La seule issue de secours, via l’escalier intérieur, était enfumée dès 1 h 40.

« En cas d’installation d’un revêtement anti-pluie inflammable sur une haute tour d’habitation, il n’est pas raisonnable selon moi d’attendre des pompiers qu’ils puissent éteindre intégralement un incendie », a-t-elle souligné. « Il se peut que le maintien formel de cette consigne [de confinement] jusqu’à 2 h 47 du matin ait fait toute la différence entre la vie et la mort » pour certains habitants, a insisté le juriste Richard Millett, qui dirige les débats.

Barbara Lane a également pointé la faible performance des portes anti-incendie, qui a « contribué significativement à la diffusion des fumées et du feu dans les parties communes », et peut avoir « réduit la volonté des habitants de s’échapper ». Dans l’immeuble, 106 des 120 portes d’entrées d’appartement avaient été remplacées en 2011. Aucune d’entre elles n’avait été jugée conforme lors des tests anti-incendie réalisés lors de leur installation.

Un nombre indéterminé de portes dans les parties communes ne se sont pas fermées automatiquement pour limiter la propagation des fumées et des flammes, a également mis en avant Barbara Lane. Cela a ralenti la progression des pompiers et les a obligés à être équipés d’appareils respiratoires, limitant leur temps d’intervention auprès des résidents.

Cinq rapports d’experts présentés

Au total, cinq rapports d’expertise ont été présentés lundi dans le cadre de l’enquête publique, qui s’attache à déterminer les causes de la tragédie, après avoir auditionné les proches des victimes pendant deux semaines.

« C’est le début d’un long chemin vers la justice », a souligné Grenfell United, la principale association rassemblant les anciens habitants de la tour. « La tragédie a détruit nos vies et nos communautés. Ce qui la rend encore plus difficile est de savoir que ces morts étaient évitables ».