« Va-t-on subir ce président pendant quatre ans sans réagir ? A quoi ça sert d’être militant si on ne peut pas s’opposer et contester ? », a lancé Malka Darmer, en mettant en doute la légitimité d’Emmanuel Macron. Cette militante d’un syndicat chimie-énergie de Provence intervenait, au premier jour du 49e congrès de la CFDT, lundi 4 juin à Rennes, dans le cadre du débat sur le rapport d’activité que venait de présenter Laurent Berger, le secrétaire général. Sans singer La France insoumise, la Confédération française démocratique du travail a fait, à sa manière, sa « fête à Macron » qu’un métallo, Vianney Louis, a comparé à un « agneau qui a égorgé son éleveur ».

Dans un discours de quarante-cinq minutes — interrompu par un film retraçant les victoires et les épreuves de la CFDT depuis le précédent congrès, en 2014, à Marseille —, Laurent Berger n’a pas ménagé, devant les 1 750 délégués, le président de la République. Célébrant la première place syndicale conquise par la CFDT en 2017, il a reproché à des interlocuteurs de ne pas en prendre la mesure, visant « un certain patronat trop heureux de rejouer la lutte des classes avec des organisations contestataires qui s’en contentent bien ». Et il a reproché au gouvernement et au président d’organiser « le bloc contre bloc au risque d’attiser les extrêmes », et d’entretenir une « petite musique lancinante de défiance à l’égard des syndicats ». Fustigeant la « situation indigne faite aux migrants », il a averti : « N’en déplaise au président de la République, la CFDT est une force avec laquelle il faudra compter. »

« Verre à moitié plein »

Globalement, M. Berger s’est accordé un satisfecit, exaltant la fierté et la force d’une centrale qui a tenu son cap : « Quelles qu’aient été les épreuves, a-t-il déclaré, la CFDT ne s’est pas perdue en route. Elle s’est affirmée comme LA référence dans le paysage syndical français. » Justifiant le réformisme et le pragmatisme de son syndicat, il a ajouté : « C’est vrai que notre méthode s’efforce de partir du réel. Mais notre ambition n’en est pas moins radicale : il s’agit de le transformer, ce réel, autrement dit, de changer le travail pour changer la société. »

Le secrétaire général a pris soin de ne pas se concentrer sur la dernière année, depuis l’élection de M. Macron et les ordonnances, mais de revenir sur les quatre années écoulées en considérant « le verre à moitié plein ». « La peur, a-t-il souligné, est un terreau fertile pour les populistes de tous bords. D’ailleurs, ceux-là ne manquent jamais une occasion de s’attaquer aux syndicats. On l’a vu pendant la campagne présidentielle, à droite comme à gauche. » Revenant sur son attitude envers les ordonnances sur le code du travail, qui « a fait débat en interne », il s’en est pris à la CGT : « Alors qu’elle avait renoncé à peser dans les discussions, qu’a obtenu la CGT sinon de faire la démonstration de sa faiblesse ? » « La CFDT, a-t-il martelé, ne veut pas troquer la recherche d’avancées concrètes pour les travailleurs contre le fantasme d’une déstabilisation du pouvoir démocratique. C’est bien pour cette raison que la CFDT a rejeté toute convergence des luttes, sans pour autant refuser l’unité d’action, là où elle était utile. »

Face à un gouvernement qui « joue la caricature des confrontations sociales », « on n’enferme pas la CFDT », a prévenu M. Berger. « C’est nous, et nous seuls, qui décidons de ce que la CFDT veut être. » Il a présenté le congrès comme « le temps de la démocratie », les premiers intervenants, venant souvent de petits syndicats, faisant entendre une musique critique, un délégué de la chimie, Frédéric Fritsch, évoquant « un mécontentement militant assourdissant ». « Les réformes annoncent la fin de notre syndicalisme, a déploré Isabelle Rault (chimie-énergie) et nous sommes dans l’accompagnement. » « Tous les fondamentaux de notre réformisme exigeant sont bousculés », a renchéri Francis Magnon (postes). Plusieurs délégués ont fait état de leur « colère », reprochant à la confédération l’absence de combativité et de mobilisation. « Il faut une position plus forte face à un gouvernement qui n’a rien à faire des syndicats », a plaidé Eric Hugon (transports urbains). Seul un militant des transports a mentionné la grève des cheminots, sans susciter de réactions…