Craig Federighi, responsable du développement logiciel chez Apple, a présenté plusieurs nouveautés lors de la WWDC, lundi 4 juin. / Marcio Jose Sanchez / AP

L’annonce est arrivée relativement discrètement, vers la fin de la conférence donnée par Apple lundi  4 juin, lors de la WWDC, sa grand-messe des développeurs. Elle fut pourtant hors norme : en dévoilant de nouvelles fonctionnalités visant à protéger la vie privée des utilisateurs de son navigateur Safari, Apple a infligé un camouflet à Facebook, embourbé depuis le mois de mars dans un grave scandale lié aux données personnelles.

Sur scène, Craig Federighi, responsable du développement logiciel chez Apple, a ainsi expliqué que la prochaine version de Safari, prévue dans le courant de l’année, alerterait les internautes lorsque des boutons « j’aime » ou « partager » de réseaux sociaux tenteront de récolter leurs données de navigation. Une fenêtre s’ouvrira alors pour leur demander s’ils l’autorisent.

Ce n’est pas un détail. En présentant cette fonctionnalité en images, Craig Federighi a explicitement pris l’exemple des boutons de Facebook :

« Nous avons tous vu ces boutons “j’aime” et “partager”, et ces espaces de commentaires. Eh bien, il se trouve qu’ils peuvent être utilisés pour vous pister, que vous cliquiez dessus ou non. C’est pourquoi cette année, nous y mettons un terme. »

Se distancier des scandales

De nombreux autres traceurs, venants de différentes entreprises du numérique, sont aussi présents sur les sites Internet. Apple a néanmoins choisi d’afficher publiquement Facebook – il est pourtant rare, de la part de l’entreprise cofondée par Steve Jobs, de s’en prendre aussi directement à ses concurrentes lors de ses fameuses keynotes.

Avec cette annonce, Apple tente de prendre ses distances avec le scandale sur les données personnelles, qui éclabousse l’ensemble des grandes entreprises du numérique. Elle souhaite aussi se positionner, parmi les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), comme fer de lance de la défense de la vie privée des internautes – elle s’était déjà fait remarquer à ce sujet en 2016, en refusant catégoriquement de collaborer avec le FBI pour débloquer le téléphone d’un terroriste présumé. Elle rappelle aussi, au passage, que contrairement à une partie de ses concurrents, son modèle économique ne repose pas sur la vente de publicités ciblées, dépendant elles-mêmes de l’analyse des données récoltées sur les internautes.

De quoi porter un coup aux revenus de Facebook ? Pas si sûr : la puissance de Safari est à relativiser. Si le navigateur est installé par défaut sur les ordinateurs, smartphones et tablettes fabriqués par Apple, sa part de marché est estimée à près de 14 %, selon StatCounter – contre 58 % pour Chrome, le navigateur de Google.

Une question de sécurité pour Facebook

Apple s’attaque toutefois à un sujet particulièrement sensible pour Facebook : la façon dont le réseau social piste les internautes en dehors de sa plate-forme, qu’ils disposent d’un compte Facebook ou non.

Ce fut d’ailleurs un des cailloux dans la chaussure de Mark Zuckerberg lors de ses auditions tendues face au Congrès américain, en avril, puis au Parlement européen en mai. Le patron du plus grand réseau social a alors tenté de s’expliquer, affirmant que la collecte de ces données servait également un impératif de sécurité. « Si un navigateur a visité des centaines de sites dans les cinq dernières minutes, c’est un signe qu’il s’agit peut-être d’un bot [un programme automatisé] », a répondu Facebook dans un document transmis aux eurodéputés quelques jours après l’audition de M. Zuckerberg. Le chef d’entreprise a aussi martelé que les internautes avaient « le contrôle » sur les données que récolte Facebook sur eux et pouvaient y accéder.

Après l’annonce d’Apple, Alex Stamos, le chef de la sécurité de Facebook, a fait part de son agacement sur Twitter. « S’il s’agit de protéger la vie privée, et pas seulement de jouer les bienfaiteurs, alors ils devraient aussi bloquer tout le code javascript et les pixels de sites tiers », qui permettent également de tracer les internautes, estime-t-il.

Apple ne s’en est pas seulement pris lundi aux boutons des réseaux sociaux. L’entreprise a aussi annoncé que Safari rendrait plus difficile pour les sites visités de récupérer des informations sur l’appareil utilisé pour s’y connecter. Ces informations forment une « empreinte » unique, permettant aux régies publicitaires d’identifier et de pister les internautes, afin, là encore, de leur servir de la publicité ciblée.