Le succès d’Anafi est crucial pour Parrot. / Parrot

La 205 a sauvé Peugeot et Apple doit une fière chandelle à l’iMac. L’avenir de Parrot est suspendu aux hélices du drone Anafi. Dévoilé mercredi 6 juin, ce quadricoptère, dont la commercialisation est attendue en juillet au prix de 699 euros, n’a pas le droit à l’erreur. Pour tirer l’un des plus emblématiques représentants de la French Tech du mauvais pas dans lequel il s’est enferré depuis deux ans, Anafi va devoir séduire des centaines de milliers de consommateurs. Asphyxié par la concurrence chinoise, Parrot a connu un très sévère passage à vide en 2016, qui s’est traduit par 257 suppressions d’emplois sur un total de 854 salariés.

L’ancien chouchou des marchés (Parrot avait levé 300 millions d’euros à la fin de 2015, réalisant la plus importante opération menée en France cette année-là) s’efforce depuis lors de limiter les dégâts. Au premier trimestre, l’entreprise a réduit sa perte opérationnelle courante, passée de – 18,8 millions à – 14,7 millions d’euros en un an grâce, essentiellement, aux réductions de coûts. Annoncés à la fin de mai, ces résultats ont fait plonger l’action. Parrot, qui assure être en mesure de « renouer avec la croissance en 2018 en maîtrisant sa consommation de trésorerie », disposait d’une réserve nette de cash de 99 millions d’euros à la fin de mars 2018, contre 115,4 millions d’euros à la fin du trimestre précédent.

Avec une répartition des masses proche de celle d’un insecte, Anafi revendique une forme de biomimétisme. / Parrot Brand Studio / Getty Images

« Parrot joue très gros, c’est vrai », admet Henri Seydoux, qui a fondé l’entreprise en 1994 et continue de la diriger. Se trouver le dos au mur, estime-t-il, fait partie des aléas auxquels doit faire face toute société engagée dans les nouvelles technologies. « C’est une situation normale dans le secteur des drones où les mutations sont encore très rapides », estime-t-il, invoquant l’exemple des PC, « un marché qui a fini par se stabiliser ». La réussite d’Anafi apparaît d’autant plus cruciale que Parrot a décidé de se recentrer sur la seule activité drone. Les activités d’origine (kits mains libres, systèmes « d’infotainment » pour l’automobile) ont été cédées à l’équipementier Faurecia, qui les aura rachetées en totalité en 2022. Quant aux casques hi-fi et autres objets connectés, ils ont été définitivement arrêtés.

La caméra peut s’orienter à 90 degrés vers le haut. / Parrot Brand Studio / Getty Images

Cette stratégie consistant à reculer pour mieux sauter s’appuie sur l’essor du marché des drones civils. « Sur le plan mondial, on peut estimer qu’il représente 3,5 à 4 milliards de dollars dont 80 % pour le secteur des loisirs, le reste étant imputable aux utilisateurs professionnels. Le drone apparaît comme la suite logique de l’essor de la caméra vidéo, c’est un objet qui a vocation à rentrer dans l’univers familial », assure Henri Seydoux. Selon l’institut GfK, le succès de ces objets a connu un essoufflement en 2017, enregistrant sur le marché français un reflux de 3 %. Un chiffre qui dissimule toutefois une forte demande pour les drones « premium » de plus de 300 euros, le segment sur lequel Parrot a choisi de se concentrer. Cette tendance est confirmée par la progression constante du prix moyen des drones de loisir vendus en France, qui devrait passer de 210 euros en 2017 à 226 euros en 2018, selon GfK.

Pour Parrot, la partie se jouera surtout sur le marché américain, où l’entreprise a réorganisé son réseau de distribution et jouit d’une image de pionnier. Premier marché mondial (1,6 million d’unités en 2017), les Etats-Unis voient, eux aussi, stagner les ventes de drones mais s’envoler leur prix moyen, qui a cru de 33 % l’an passé selon NPD, une société spécialisée en études de marché. Anafi, qui porte le nom d’une petite île grecque des Cyclades, se destine au grand public mais son niveau de sophistication le destine aussi aux usages professionnels (cartographie numérique, interventions des secours, enregistrements vidéo à destination des médias, des assureurs ou des agents immobiliers, par exemple).

Un public plus familial

Ce drone léger (320 grammes) et pliable, conçu en s’inspirant de la morphologie d’un insecte (drone, en anglais, signifie faux bourdon, le mâle de l’abeille), s’efforce de cocher toutes les cases que doit remplir ce genre d’appareil, y compris la possibilité d’exécuter des vols et des figures programmés. Il dispose d’une autonomie (25 minutes) au-dessus des standards habituels mais aussi, pour la première fois, d’une nacelle articulée capable de faire pivoter la caméra à 90 degrés vers le haut afin de filmer en contre-plongée et en 4K. Parrot a également soigné « l’acceptabilité sociale » d’Anafi, doté d’hélices et de moteurs sensiblement moins bruyants que son prédécesseur, le Bebop2, et dont la facilité d’utilisation a été améliorée afin de conquérir, selon Parrot, un public plus familial, en particulier les femmes.

Cet étalage de technologie ne permettra pas de remettre en cause l’hégémonie absolue qu’exerce le chinois DJI, qui quadrille le marché mondial des appareils de loisir dont il détient plus des trois quarts. L’objectif premier consiste à sortir Parrot de l’impasse et poursuivre une stratégie qui prévoit aussi une montée en puissance des ventes de drones – et surtout de services associés – à destination des professionnels.