Médiatiquement, c’est le procès de Marc Foé, 22 ans, qui s’est ouvert lundi 4 juin devant la cour d’assises de Lyon. Parce qu’il est le fils de Marc-Vivien Foé, footballeur foudroyé par une crise cardiaque en plein match, le 26 juin 2003, lors d’une rencontre de la Coupe des confédérations. Le contraste avec son coaccusé attise la curiosité. Marc Foé, l’air désolé, est accusé de vol avec arme et séquestration lors de l’agression d’un prêtre à son domicile, à Genay, au nord de Lyon. Il encourt trente ans de réclusion criminelle.

Son allure athlétique quand il se déplie fait irrésistiblement penser à la stature du père, joueur respecté de la mythique équipe des Lions indomptables du Cameroun, connu pour son fair-play. Marc Foé reconnaît les violences infligées, même s’il jure qu’il ignorait qu’il s’attaquait à un prêtre. Comment ce garçon à l’enfance dorée se retrouve-t-il empêtré dans une affaire aussi crapuleuse, au comble de la honte pour sa famille ardemment catholique ?

« Je me suis autodétruit »

« Il ne trouvait pas sa place, il était perdu », explique Marie-Louise Foé, 42 ans, qui préfère appeler son fils « Scott » pour mieux le différencier. « Je me suis autodétruit », confesse le jeune homme au visage rond. « Son père a perdu la vie devant les caméras du monde entier, il avait huit ans, cet événement a bouleversé son parcours », soutient Alexandre Plantevin, son avocat. Déboussolé, l’adolescent gâche ses études, fume du cannabis. Sa mère l’envoie en Angleterre pour l’éloigner des mauvaises fréquentations. Il joue au rugby pour se démarquer de la figure paternelle. Au retour du collège, il est battu à coups de batte de base-ball par un groupe de skinheads en 2011. Après coma, prothèse en titane au front, et des mois de rééducation, il garde une cicatrice circulaire sur le crâne, et un caractère changeant, impulsif.

De retour dans la région lyonnaise, où sa mère est établie depuis le passage de son mari à l’Olympique lyonnais, Marc Foé retombe dans l’oisiveté délinquante. Son grand copain, c’est Sophiane Bardot, 20 ans. Ces deux-là font la paire, selon plusieurs témoins, à traîner dans la rue, le jour, la nuit. Ils ont un point commun, et non des moindres. Sophiane n’a pas de père non plus. Abandonné, oublié. « Comment fait-on dans la rue quand on n’a pas de père ? », lui demande son avocat, David Metaxas. « On se fait remarquer », répond l’accusé, la moue rebelle. « Et comment ? − En faisant du bruit », ponctue le garçon, réprimant des larmes. Le procès est aussi celui du loulou aux origines modestes, comptant autant d’échecs scolaires que de délits au casier, soutenu à l’audience par un ancien beau-père, ouvrier dans la chimie.

Improbable duo

Qui de Marc ou de Sophiane a influencé l’autre ? Ils se renvoient la balle. Fils de star, fils de personne, l’improbable duo a sonné à la porte d’un prêtre, dans la nuit du 28 novembre 2015. Le père Luc Biquez, curé de la paroisse de Genay. Foé reconnaît l’avoir frappé. Bardot avoue avoir fouillé sa chambre. Menotté, mains dans le dos, le prêtre a reçu des coups de poing, avec des gants de moto à coque renforcée, des coups de crosse, aussi. La scène a duré près de deux heures, pour un butin nul et une fuite précipitée.

« Je n’envisageais pas une issue fatale, je me disais que j’allais pouvoir m’en sortir, sans faire défiler ma vie, je pensais à mes proches, ces pensées m’habitaient et m’évitaient de penser à ce qui se passait », témoigne le prêtre. « Il a fallu quatre à cinq mois pour retrouver mon énergie habituelle, aujourd’hui encore, il y a quelque chose qui reste », ajoute Luc Biquez, confessant au jury : « J’avais un tempérament assez intellectuel, je faisais les choses à fond, je creusais les questions, aujourd’hui ce goût de la réflexion a moins de goût, je réfléchis toujours mais dans une perspective plus pratique, plus utilitaire. Je suis clairement recentré sur les relations humaines, ces relations sont fragiles puisqu’elles peuvent s’arrêter brusquement. »

On devine une foi modifiée, un prêtre hanté par la fragilité de la vie après avoir subi l’extrême violence. Au procès, il distingue « ses sentiments personnels », accorde en plein prétoire le pardon aux accusés, leur souhaitant de « retrouver un chemin de vie plus cohérent et plus droit, une réelle prise de conscience, et pas seulement des mots faciles ». Et il justifie sa constitution de partie civile, car, « dans la société des hommes, c’est important de prendre conscience qu’il y a des choses qui ne se font pas. A travers ce jugement, j’attends que cette chose se dise. » Verdict mercredi.