Le projet de loi ELAN augmente notamment le nombre de logements HLM vendus à leurs locataires de 8 000 à 40 000 par an. / GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Discuté à l’Assemblée nationale depuis le 30 mai et jusqu’à vendredi 8 juin, le projet de loi évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN), qui comporte 66 articles, assouplit plusieurs dispositions législatives existantes concernant l’urbanisme et le logement. Une vaste dérégulation qui a suscité plusieurs levées de boucliers et le dépôt de 3 160 amendements. Retour sur les principaux articles de cette loi déjà votés.

Dérogations à la loi littoral

C’est sans doute le point qui a suscité le plus de protestations dans toutes les formations politiques, poussant le gouvernement à reculer. Les parlementaires avaient voté mi-mai en commission un amendement des députés La République en marche (LRM) au projet de loi sur le logement permettant, au cas par cas, le comblement des « dents creuses », des parcelles vides situées entre deux bâtiments construits dans un même hameau. Cette demande de nombreux élus de communes du littoral est contestée par les associations de défense de l’environnement.

Les possibilités de dérogations à la loi littoral seront finalement très limitées : impossible de densifier les formes urbaines intermédiaires dans la bande des 100 mètres du littoral, ni dans les espaces proches du rivage, ou les rives des plans d’eau, en montagne notamment.

Les nouvelles constructions devront par ailleurs améliorer l’offre de logement ou prévoir l’implantation de services publics, sans « porter atteinte à l’environnement ou aux paysages ».

Les dérogations ont également été supprimées pour l’implantation de projets photovoltaïques, comme il en existe actuellement pour les éoliennes, ainsi que pour permettre l’installation en « discontinuité d’urbanisation » d’équipements collectifs dans les territoires ultramarins et insulaires de métropole.

Seuls 10 % de logements accessibles aux personnes handicapées

Autre point très polémique du projet de loi : la réduction de 100 % à 10 % seulement du nombre de logements neufs obligatoirement accessibles aux personnes handicapées, les autres devant être « évolutifs », c’est-à-dire adaptables à la perte d’autonomie et au vieillissement.

Cette disposition a suscité un tollé parmi les associations qui dénoncent « une grave régression sociale ». « Les députés ont introduit la discrimination dans l’accès au logement, en dépit de la mobilisation de plusieurs groupes parlementaires transpartisans qui demandaient le retrait d’un texte qui constitue une véritable régression sociale », a réagi dans un communiqué APF France handicap, remettant « cette question fondamentale entre les mains du Sénat ».

Pour Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, la loi du 11 février 2005, qui oblige l’accessibilité des logements, « constitue un progrès » mais est « source de bien des difficultés d’application ».

Face aux protestations, la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, a tenté d’expliquer lundi sur RTL que la notion « d’évolutif [allait] être précisée dans un décret » pour « rassurer les personnes handicapées ».

Création d’un « bail mobilité »

D’une durée de un à dix mois, non reconductible, le « bail mobilité » sera destiné aux personnes en formation, études supérieures, stage, apprentissage ou mission temporaire professionnelle.

Pour ce nouveau bail, non reconductible, aucun dépôt de garantie ne pourra être exigé par le propriétaire et le locataire pourra bénéficier de la garantie Visale (Visa pour le logement et l’emploi), ce qui le distingue de la location d’un meublé, d’une durée d’un an.

Le gouvernement a justifié ce nouveau bail car « la demande de location de courte durée est en hausse à la fois chez les actifs et chez les étudiants, en raison du développement des mobilités professionnelles courtes, des formations et des stages qui, dans le cadre d’un cursus universitaire, ont de plus en plus lieu dans des zones géographiques distinctes du lieu d’étude ». Mais pour le député communiste Stéphane Peu, au contraire ce nouveau bail va « contribuer à instaurer une précarisation du statut du locataire » avec « un risque de déqualification du bail classique ».

La vente des HLM facilitée

Cet article de la loi ELAN a été voté malgré l’opposition des députés LR, LFI, socialistes et communistes. L’objectif de vente des logements HLM à leurs locataires passe de 8 000 à 40 000 par an.

L’opposition dénonce surtout les nouvelles modalités de ces ventes. Le prix de vente sera désormais fixé par le bailleur, et non par le service des domaines, malgré de nombreux amendements déposés pour obtenir a minima un pourcentage garanti de l’estimation des domaines. Les occupants des logements seront prioritaires à l’achat mais la vente en bloc, c’est-à-dire par lot de plusieurs logements, sera autorisée à des acteurs privés.

Les logements ainsi vendus resteront par ailleurs comptabilisés pendant dix ans dans les quotas de logements sociaux imposés par la loi SRU, et ce même pour les villes qui ne respectent pas cette législation.

Cette mesure a suscité des critiques à droite comme à gauche, mais également dans les rangs de la majorité. « Vous êtes la première majorité depuis dix-huit ans à toucher à la loi SRU. Vous prenez ce que personne ne s’était autorisé à faire, une lourde responsabilité », a notamment prévenu Stéphane Peu, député PCF de Seine-Saint-Denis.

Ces ventes vont aller à l’encontre de « ce qui a été construit dans les années passées » et elles nuiront à la « mixité sociale », a appuyé la cheffe de file des députés PS Valérie Rabault, déplorant aussi une moindre marge de manœuvre des maires.

Du côté des Républicains, on juge « contradictoire » d’autoriser ces ventes dans des communes carencées et de leur imposer en parallèle des pénalités financières.

Une poignée de députés « marcheurs », notamment Guillaume Gouffier-Cha, ont également cherché à empêcher ces ventes dans les communes carencées et en tension, ou a minima, de prévoir comme « garde-fou » que les fonds recueillis soient réinvestis sur le territoire de la même commune.

L’obligation de regroupement des organismes HLM

La loi ELAN entend favoriser le regroupement des 861 bailleurs sociaux du pays, qui gèrent 4,8 millions de logements (environ 5 600 par organisme en moyenne). Pour cela, elle prévoit notamment une nouvelle obligation à compter de 2021 : rejoindre un groupe d’organismes gérant au moins 15 000 logements.

L’objectif de cette mesure est de « rendre le secteur HLM plus fort », selon la rapporteure Christelle Dubos (LRM), les groupes permettant notamment de « mutualiser davantage de trésorerie disponible ».

Cet article a rencontré l’opposition d’élus LR, PCF et LFI. Eric Coquerel (LFI) a dit douter du gain d’efficacité en créant des « monstres », notant que « la question de la proximité est importante pour les locataires ». A droite, Martial Saddier (LR) a préconisé de « maintenir une concurrence saine ».

La transformation facilitée de bureaux en logements

Afin d’augmenter le nombre de logements dans les zones tendues et de lutter contre les locaux vacants, l’Assemblée a voté un article facilitant la transformation de bureaux vides en logements en accordant un « bonus de constructibilité », c’est-à-dire des droits à construire supplémentaires (fixés à 30 %). Il permet aussi de déroger aux obligations de mixité sociale prévues par les plans locaux d’urbanisme (PLU), sauf dans les communes « carencées » en logements sociaux.

Concernant cet article, le gouvernement s’est vu reprocher d’« oublier » la mixité sociale. « Normalement, ce texte devrait permettre à la fois la construction de logements tout en assurant la mixité », a notamment regretté le socialiste François Pupponi, estimant que si « là où il y a des bureaux » on ne construit pas de logements sociaux, « on ne risque pas de régler le problème de la ghettoïsation ».