« Origin ». / © BOICHI

Il y a un peu plus d’un an, le mangaka prodige Boichi mettait fin aux aventures de son héros fétiche : Ken Kitano. Après 25 volumes du manga Sun Ken Rock (chez Doki Doki) et une décennie de loyaux services et de bastons spectaculaires, il était temps de raccrocher. Pour qui ne connaît pas Boichi, personnage atypique du paysage manga, ce Sud-Coréen exilé au Japon, après un durcissement de la censure dans son pays, est sans doute le dessinateur seinen le plus doué de sa génération. Spécialisé dans la représentation des corps masculins et féminins, à un point qui frise l’obsession, il a signé un nombre impressionnant de séries, en parallèle de Sun Ken Rock : Wallman, Hunt for Energy, Terra Formars mais aussi des one shots.

« Origin ». / © BOICHI

En cette fin de printemps, ce sont deux séries de lui qui sont publiées en France, chez deux éditeurs différents. Dr Stone, série shonen à succès chez Glénat et Origin, seinen inquiétant chez Pika. Cette histoire de science-fiction se déroule en 2048 dans un Tokyo qui accueille son comptant de corruption et de pègre malsaine. Une rumeur y circule sur des personnes « non humaines », qui assassinent les yakuzas et les clandestins. Le héros de l’histoire, Origin, qui change de nom selon son environnement, sait que ces meurtres sont le fait de robots, comme lui, dotés d’une puissance démesurée mais à la morale pervertie. Ce sont ses huit frères et sœurs, créés par son père, et qu’il devra combattre pour faire respecter le code de conduite qui lui a été inculqué. Pour pouvoir vivre, Origin doit se fondre à la population, avoir un travail et tenter de maîtriser les subtilités comportementales des humains.

« Origin ». / © BOICHI

C’est sans doute cette dimension décalée d’une mentalité robotique présumée, et de contextes humains mal compris, qui fait le sel de ce récit. Sur cet aspect, Boichi a tenté de réfléchir à ce que pourrait être un individu sans aucune empathie (à la Dexter), mais doté d’un code de conduite morale. Comme pour les règles édictées par Asimov dans ses Robots, mais pour des préoccupations beaucoup plus terre à terre : réactions face à l’humour, interactions avec le sexe opposé, comportements d’enthousiasme à table… Comment doit se comporter un robot qui n’a aucune éducation sociale ? Et comment ne pas céder à la paranoïa ?

Sans doute irrité par les limitations du corps humain dans Sun Ken Rock – il ne se gênait pourtant pas dans la représentation de postures impossibles –, Boichi peut tout se permettre avec ses personnages androïdes modulaires, aux capacités physiques hors norme. Sur le plan graphique, on a donc un mélange assez détonnant du style « testostéroné » qui est la patte du dessinateur et d’un prisme déformant très audacieux.

Origin, de Boichi, série en 4 volumes, tome 1, le 6 juin, éditions Pika, 240 pages, 7,75 euros.

« Origin ». / © BOICHI