« Beaucoup d’hommes politiques ne veulent pas que les jeunes votent, ils marginalisent des communautés pour les garder loin des urnes car ils savent qu’ils vont perdre », a lancé Cameron Kasky, l’un des survivants de la tuerie de Parkland. / Wilfredo Lee / AP

Ne pas laisser retomber le soufflé. Près de dix semaines après la grande marche du 24 mars à Washington appelant à changer la législation sur les armes à feu, la génération « mass shooting » s’apprête à reprendre la route pour une tournée intitulée « Road to Change » (« Route vers le changement »).

David Hogg, Emma Gonzalez, Cameron Kasky, Jaclyn Corin et leurs camarades du lycée Marjory-Stoneman-Douglas (MSD), à Parkland en Floride — où un ancien élève a tué dix-sept personnes le 14 février —, ont annoncé, lundi 4 juin, qu’ils allaient relancer leur mouvement pour exiger une réglementation plus stricte des armes à feu. La veille, ils assistaient à la cérémonie de fin d’études de la « promo » 2018 du lycée, au cours de laquelle 788 diplômes ont été remis, dont quatre à titre posthume.

Prise de conscience démocratique

L’enjeu de cette tournée, qui débutera le 15 juin à Chicago, traversera vingt des cinquante Etats du pays et fera soixante-quinze étapes, est d’importance : cette année, 4 millions d’Américains atteindront la majorité et seront en âge de voter pour la première fois lors des élections de mi-mandat qui se dérouleront le 6 novembre, rappellent les organisateurs dans un communiqué.

A chaque étape, les lycéens de MSD veulent convaincre ces jeunes de s’inscrire sur les listes électorales et les informent sur les candidats qui se présentent. Il s’agit d’identifier ceux qui demandent une réforme des réglementations sur les armes à feu et ceux qui sont soutenus financièrement par la National Rifle Association (NRA), qui défend le droit constitutionnel de posséder une arme.

« Beaucoup d’hommes politiques ne veulent pas que les jeunes votent, ils marginalisent des communautés pour les garder loin des urnes car ils savent qu’ils vont perdre », a expliqué à des médias américains Cameron Kasky, l’une des figures de proue du mouvement. Il estime que les défilés comme celui du 24 mars à Washington ne suffisent pas s’ils n’ont aucun effet dans les urnes. « Le vote est devenu une corvée, les électeurs finissent par penser que ça n’a aucune importance », explique l’adolescent, qui n’a pas encore le droit de vote.

En plus de la tournée à travers les Etats-Unis, les élèves de MSD visiteront aussi les vingt-sept circonscriptions de la Floride, Etat réputé laxiste en matière de vente d’armes, qui a adopté des mesures timides de restriction sur les armes, notamment en relevant de 18 à 21 ans l’âge minimal pour acheter une arme à feu.

Le débat sur l’armement des enseignants

Le site Politico relève que le débat sur les armes et l’école engagé par l’administration Trump après la tuerie de Parkland s’annonce animé. Quelques jours après la fusillade, le président Trump avait émis l’idée d’armer les enseignants. Lors d’une première consultation sur la sécurisation des établissements scolaires, le 5 juin, Betsy DeVos, la secrétaire à l’éducation de l’administration Trump, a prévenu les participants, leur notifiant que des modifications des textes sur les armes à feu n’étaient pas à l’ordre du jour.

Le lendemain, elle s’est attiré la réponse d’Abbey Clements, enseignante à l’école élémentaire de Sandy Hook, à Newtown, dans le Connecticut, où vingt enfants et six adultes furent abattus en 2012. « Je voudrais que cela soit parfaitement clair : même si des membres de l’équipe enseignante de Sandy Hook avaient été armés, cela n’aurait rien changé, cela aurait pu même être pire. Dans ce genre de situation, tout se déroule très vite. Et si j’avais été armée, est-ce que j’aurais abandonné mes élèves terrifiés ? Impensable. »

Zachary Scott, de l’Association des proviseurs du secondaire, a ajouté que si la commission dirigée par Betsy DeVos ne comptait pas « traiter de la question des armes à feu, elle ne devrait en tout cas pas se faire l’avocate de la prolifération des armes à feu dans l’enceinte des établissements scolaires ».