Steam est une boutique en ligne de jeux vidéo sur ordinateur incontournable.

Quels jeux doit autoriser la boutique en ligne Steam, qui réunit plus de 100 millions de joueurs ? Cette plate-forme incontournable, éditée par l’américain Valve, est confrontée à cette question depuis des années. Mercredi 6 juin, après de nouvelles polémiques, elle a finalement décidé de confirmer une politique qu’elle avait déjà tendance à appliquer : ouvrir les vannes. Dans un billet de blog, l’entreprise a annoncé que « la bonne approche est de tout autoriser sur Steam ». A l’exception, ajoute-t-elle, « de ce que nous jugeons illégal ou relevant du trolling caractérisé ».

« Ça ne devrait pas être à nous de décider »

L’entreprise évoque un « problème vraiment très compliqué » avec lequel elle a, bon gré mal gré, dû composer depuis sa création, sans jamais y trouver de réponse vraiment satisfaisante. « Malheureusement, cela a généré pas mal de confusion chez nos clients, les développeurs [de jeux] et même nos propres employés », explique Valve.

« Finalement, nous sommes revenus à un des principes que nous avions en tête quand nous avons créé Steam : ça ne devrait pas être à nous de décider. Si vous êtes un joueur, nous ne devrions pas pouvoir choisir pour vous quel contenu vous pouvez, ou non, acheter. Si vous êtes un développeur, nous ne devrions pas choisir quel contenu vous êtes autorisés à créer. Ça devrait être à vous de choisir. »

Concrètement, Valve annonce que sa nouvelle politique consistera à « moins se concentrer sur le contrôle de ce qui devrait apparaître sur Steam, et plus sur la création d’outils permettant aux utilisateurs de contrôler quels types de contenus ils veulent voir ». Ces outils devraient donc permettre aux joueurs de personnaliser leur expérience sur Steam. Ils pourront ainsi indiquer à la plateforme s’ils ne veulent plus voir apparaître tel ou tel type de jeu. Des outils seront également créés pour protéger les développeurs « qui créent des contenus controversés » : « Ils ne devraient pas être confrontés au harcèlement », estime Valve.

Un jeu de tir en milieu scolaire

Ces dernières semaines, Valve a dû faire face à de nouvelles polémiques concernant sa politique de modération des jeux. Après une levée de boucliers, elle avait décidé le 30 mai de déréférencer, avant sa sortie, le jeu de tir Active Shooter, qui se déroulait en milieu scolaire. Courant mai également, des développeurs de jeux érotiques ou pornographiques s’étaient plaints que Steam les menace soudain de déréférencement.

Malgré les déclarations de mercredi, qui tentent de mettre les choses à plat, Valve laisse toutefois toujours planer une certaine ambiguïté. Que va-t-elle juger « illégal » ? L’entreprise reconnaît le problème, puisque « les lois diffèrent dans le monde », et évoque des décisions prises « au cas par cas », tout en admettant qu’elle continuera sûrement « à avoir des difficultés à ce sujet pendant un moment ». Elle dit qu’elle se tournera vers les développeurs pour qu’ils signalent d’eux-mêmes les contenus « potentiellement problématiques » des jeux qu’ils soumettent à la plate-forme. « Nous cesserons de travailler avec ceux qui refuseront de le faire honnêtement », menace Valve.

Quant au « trolling caractérisé », il reste à en définir les contours. Il aurait peut-être pu s’appliquer à la suppression du jeu Active Shooter : pour se justifier, la plate-forme n’avait pas mis en avant la violence du jeu, mais dénoncé les pratiques du développeur, le qualifiant de « troll, avec un passif de tromperie des clients, de violation de propriété intellectuelle et de manipulation des notes d’utilisateurs ».

Permissivité historique

Valve n’a jamais été réputée pour la fermeté du contrôle opéré sur les jeux proposés sur Steam, et a toujours suivi une ligne ambiguë vis-à-vis des productions extrêmes. En 2014, l’entreprise avait supprimé de son site le jeu vidéo Hatred, mettant en scène un tueur de masse lâché dans une ville remplie de civils, avant de faire marche arrière vingt-quatre heures plus tard. Son PDG et fondateur, Gabe Newell, s’en était excusé en personne auprès de ses développeurs polonais, Destructive Creations, évoquant « une mauvaise décision », et « l’espace de création » que constitue sa plate-forme.

Cette permissivité, et la quasi-absence de sélection des jeux admis sur Steam, ont créé une saturation inédite dans l’industrie du jeu vidéo, hors marché mobile, et une multiplication des productions ouvertement « trash ». En 2017 par exemple, pas moins de 7 696 nouveaux titres étaient sortis sur Steam, la principale plate-forme mondiale pour ordinateurs.