C’est une démarche inédite. Face à la montée des crispations vis-à-vis des migrants, l’Eglise de France et plusieurs associations catholiques ont voulu connaître l’opinion des fidèles (qui représentent 53 % de la population, dont 26 % de pratiquants, selon l’Ifop) sur la question migratoire. L’objectif ? « Mieux comprendre les réactions de peur et de fermeture en vue d’opérer un changement de regard », explique Mgr Denis Jachiet, évêque auxiliaire de Paris et membre de la commission épiscopale pour les migrants. Première étape : la conduite d’une étude intitulée « Perceptions et attitudes des catholiques de France vis-à-vis des migrants » et publiée jeudi 7 juin.

Menée en partenariat avec l’association internationale More in Common et l’Ifop, elle révèle l’existence d’une « majorité ambivalente » qui oscille entre « attitude bienveillante et accueillante » et « repli identitaire », principalement à l’égard de l’islam, explique Laurent Giovannoni, responsable accueil et droit des étrangers au Secours catholique, l’une des trois associations à l’initiative du projet, avec le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre solidaire) et le Service jésuite des réfugiés (JRS France). L’enquête parle d’une « polarisation aux extrêmes » et d’une « dégradation dans l’ouverture culturelle » au centre.

Cinq groupes

Pour mieux comprendre, les auteurs ont segmenté l’opinion catholique en cinq groupes. Les deux premiers, qui représentent un tiers des fidèles, comptent une large majorité d’électeurs du FN s’opposant à l’accueil des migrants : il s’agit des « catholiques nationalistes » (15 %) et des « nationalistes sécularisés » (18 %). Un troisième groupe, celui des « catholiques multiculturalistes », qui représentent 21 % des fidèles – à gauche pour la plupart –, souscrit sans restriction au message du pape François, relayé par la Conférence des évêques de France, en janvier, en faveur de l’hospitalité. Pour eux, le dogme social de l’Eglise l’emporte. Restent les « catholiques en insécurité culturelle » (22 %), plutôt de droite, et les « catholiques libéraux » (24 %), plutôt La République en marche. Ce sont ces deux derniers groupes, « que l’on entend peu dans le débat public », qui « portent en eux un conflit de valeurs », observe Mgr Jachiet.

« D’un côté, vous avez des migrants dont l’une des caractéristiques est d’être originaires de pays musulmans ; de l’autre, des catholiques qui ont compris, notamment avec La Manif pour tous, que, même s’ils se mobilisent, ils ne sont plus assez nombreux pour inverser le cours des choses, précise Jérôme Fourquet, de l’Ifop. La question de la concurrence religieuse est au cœur des craintes identitaires : les catholiques ont l’obsession de savoir s’ils vont rester majoritaires. » Ce qui ne les empêche pas de s’engager en faveur des migrants : près d’un catholique sur deux déclare avoir fait un don ou une action à destination de ce public vulnérable, contre un Français sur trois en moyenne.

Forte de cette étude, l’Eglise de France va mettre en œuvre, avec ses partenaires, « un plan d’action » d’ici à l’automne destiné à sensibiliser les fidèles et à « promouvoir la bienveillance ».