Giuseppe Conte à la Chambre des députés italiens, le 6 juin. / Riccardo Antimiani / AP

La course d’obstacles est enfin terminée. Mercredi 6 juin, avec 350 votes favorables (la majorité requise était de 315), le gouvernement dirigé par le président du conseil italien Giuseppe Conte a obtenu la confiance de la Chambre des députés. La veille, il avait remporté un vote similaire au Sénat. Après plus de trois mois d’incertitudes, de revirements et de coups de théâtre, l’exécutif constitué par l’alliance inédite de la Ligue (droite souverainiste) et du Mouvement 5 étoiles (« anti-système »), est désormais pleinement aux commandes de l’Italie.

« A partir d’aujourd’hui, nous sommes prêts à travailler pour améliorer la vie des Italiens », s’est félicité sur Twitter le nouveau chef du gouvernement, quelques minutes après cette victoire attendue. Quelles seront ses priorités, alors que les très généreuses promesses contenues dans le « contrat pour un gouvernement de changement » liant les deux forces politiques ont suscité de grandes attentes dans l’opinion, en même temps qu’un début de panique sur les marchés financiers ?

Selon les premières annonces de Giuseppe Conte, les deux partenaires de l’alliance, qui assuraient voilà encore quelques jours que leurs réformes seraient mises en place dans les plus brefs délais, semblent être tombés d’accord pour temporiser. Aussi ont-ils commencé à évoquer le report de quelques mois de leurs deux mesures phares.

Faibles marges de manœuvre budgétaires

Lundi, l’économiste et député de la Ligue Alberto Bagnai, qui devrait rejoindre le gouvernement comme secrétaire d’Etat dans les prochains jours, évoquait ainsi une mise en place de la « flat tax » – impôt à taux unique – en 2019 pour les entreprises, et en 2020 pour les familles. Cette mesure au coût astronomique (les experts parlent de 50 à 60 milliards d’euros par an) paraît tout simplement impossible à financer.

Le lendemain, dans son discours au Sénat, le premier ministre Conte évoquait la nécessité de réformer les agences pour l’emploi avant la mise en œuvre de la principale promesse des Cinq étoiles, le « revenu de citoyenneté ». En effet, alors qu’il était initialement pensé comme un revenu universel, ce dispositif a beaucoup évolué au cours des derniers mois, pour devenir une aide ponctuelle au retour à l’emploi, qui suppose le bon fonctionnement des structures d’aide aux chômeurs, notoirement insuffisantes. La mise à niveau de ces établissements suppose un investissement préalable estimé à 2 milliards d’euros, dans un contexte de très faibles marges de manœuvre budgétaires.

Complexes à installer, ces deux mesures auraient l’inconvénient de provoquer immédiatement une explosion des déficits. Elles ont également le défaut de diviser profondément la nouvelle majorité au pouvoir : ainsi le Sud délaissé, où le Mouvement 5 étoiles a obtenu une écrasante majorité aux élections de mars, goûte peu une « flat tax » qui entraînerait inéluctablement une réduction des moyens de l’Etat, tandis que le Nord léghiste rejette viscéralement le revenu de citoyenneté, synonyme à ses yeux d’assistanat institutionnalisé.

Expulsions massives

Aussi les deux partenaires de l’alliance ont-ils décidé, pour l’heure, de se concentrer sur deux sujets plus urgents, et surtout plus consensuels entre eux : la résolution de la crise migratoire, avec une lutte ferme contre le « business de l’immigration » et une politique d’expulsions massives, sera le grand chantier du ministre de l’intérieur Matteo Salvini ; la remise à plat de la réforme des retraites, décidée en 2011 sous la menace des marchés, sera le dossier prioritaire du second vice-premier ministre, Luigi Di Maio, qui a hérité d’un grand ministère du travail et du développement économique.

L’idée centrale de cette réforme tourne autour de la « quota 100 » : un travailleur aurait le droit de faire valoir ses droits à la retraite lorsque la somme de son âge et de sa durée de cotisation équivaudrait à 100 ans. Les économistes de l’équipe de Luigi Di Maio travaillent à réduire, par une réduction des pensions, l’impact de cette réforme, estimé à 20 milliards d’euros par l’Institut national de protection sociale. Après les promesses mirobolantes, le nouvel exécutif devra donc se confronter, dès les prochains jours, aux rudes contraintes du réel.