Le Conseil de sécurité de l’Organisation des nations unies a sanctionné jeudi 7 juin six chefs de réseaux de trafiquants de migrants en Libye, « une première » pour l’ONU, selon des diplomates. Les sanctions — gel de comptes bancaires, interdiction de voyager — visent deux Erythréens, Ermias Ghermay et Fitiwi Abdelrazak, et quatre Libyens, Ahmad Oumar Al-Dabbashi, Musab Abu-Qarin, Mohammed Kachlaf et Abd Al Rahman Al-Milad, le chef d’une unité de gardes-côtes.

Cette décision avait été retardée par une demande de précisions de la Russie, qui « a levé ses réserves sur la proposition des Pays-Bas d’inclure six individus sur une liste de personnes sanctionnées », a fait savoir un diplomate. « Les sanctions s’appliquent immédiatement », a-t-il dit.

L’ambassadrice des Etats-Unis auprès de l’ONU, Nikki Haley, s’est aussitôt félicitée de ces sanctions dans un communiqué.

« L’automne dernier, des images de migrants vendus comme esclaves en Libye avaient choqué nos consciences, et le Conseil de sécurité s’était engagé à agir. Les sanctions d’aujourd’hui envoient un message clair quant à l’unité de la communauté internationale (autour du fait de) chercher à sanctionner les auteurs et réseaux de trafic d’êtres humains. »

« Il n’y a pas de place dans notre monde pour de telles atteintes aux droits humains et à la dignité humaine », a-t-elle ajouté.

Le 8 mai, la Russie avait suspendu le processus de sanctions en demandant des précisions sur ces désignations, réclamant notamment un partage des « preuves abondantes », évoquées dans des documents de l’ONU, venant de « sources de confiance » et qui accusaient ces six individus.

Neutraliser les filières

Moscou avait aussi relevé que des documents parlaient de réseaux « s’étendant à plusieurs pays européens et aux Etats-Unis », s’interrogeant sur la pertinence de sanctionner six individus africains sans remonter ces réseaux.

Selon un diplomate s’exprimant sous couvert de l’anonymat, des sanctions contre des trafiquants de migrants représentent une « première » pour le Conseil de sécurité. L’objectif de cette désignation d’individus est de neutraliser des filières ayant été jusqu’à vendre des migrants sur des marchés d’esclaves en Libye, a-t-il ajouté.

Un autre diplomate a souligné que la décision prise jeudi par le Conseil de sécurité, plus que de s’en prendre aux actifs des individus sanctionnés, avait une valeur dissuasive. « C’est un signal important » adressé aux responsables étatiques qui soutiennent ces trafics et aux trafiquants eux-mêmes, a-t-il dit.

A la fin de 2017, un documentaire choc de la chaîne CNN montrant des migrants africains vendus comme des esclaves avait provoqué une indignation internationale. En mars, la justice libyenne avait annoncé l’émission de plus de deux cents mandats d’arrêt visant des trafiquants libyens et étrangers impliqués dans un réseau d’immigration clandestine vers l’Europe.

Dans un document confidentiel remis au début de février au Conseil de sécurité, des experts de l’ONU avaient établi que le trafic d’êtres humains était en augmentation en Libye.