Le DJ Black Coffee avec sa compagne Mbali Mlotshwa à la cérémonie des BET Awards 2016, à Los Angeles, le 26 juin 2016. / Frederick M. Brown / AFP

Artiste électro le plus connu de la scène sud-africaine qui anime les nuits d’Ibiza, Los Angeles, Barcelone ou Miami, le DJ Black Coffee, 42 ans, est aussi producteur. Il a créé Soulistic Music, une société de production, licence, tournées et une agence, pour se produire lui-même mais aussi Da Capo, Enoo Napa, Langa Mavuso, Una Rams... Présent au Marché internatinal de l’édition musicale à Cannes (Midem), Black Coffee, de son vrai nom Nkosinathi Innocent Maphumulo, a annoncé, mercredi 6 juin, son intention de lancer dans les deux mois une plate-forme musicale. Dans un entretien au Monde, il présente ce projet sud-africain baptisé GongBox.

En quoi consiste ce projet de plate-forme musicale ?

GongBox proposera à la fois de la musique mais aussi des contenus variés comme des vidéos, des documentaires, des reportages sur les coulisses des concerts d’artistes... Je n’écarte aucune piste pour financer cette entreprise: des abonnements ou encore du prépayé ce qui est très répandu sur notre continent. Nous sommes en négociations avec la compagnie de télécommunications sud-africaine MTN.

La structure des plates-formes est totalement nouvelle. Les artistes indépendants, qui ont leur propre label, ne seront pas obligés de passer par une major de disque pour aller sur notre plate-forme. Ils pourront aller directement chez nous, chez notre agrégateur. Pour les artistes, ce système sera beaucoup plus intéressant puisqu’il y a moins d’intermédiaires. Ce n’est pas simple pour autant. Ce projet a déjà échoué une première fois, nous y travaillons, nous avions besoin d’être viables pour nous lancer.

Est-ce l’indépendance qui constitue le moteur de votre projet ?

Oui, c’est de là que tout part. Je suis africain et malheureusement depuis des décennies, l’Afrique a été victime de colonisations. Dans les affaires aussi. Des compagnies d’Amérique, d’Europe ne se sont installées en Afrique que pour pouvoir en profiter. Par le passé, nous avons eu toutes les majors du disques en Afrique du Sud : Universal Music, Sony, EMI… Elles n‘étaient jamais locales, elles s’installaient là avec l’intention de faire de l’argent et elles ont fait de l’argent. Beaucoup de nos artistes découverts par ces labels sont morts sans un centime devant eux, alors qu’ils étaient de grandes star. Ils ont connu des histoires terribles. Je ne dis pas que tout était une mauvaise chose, cela a créé une culture, un « business ». Mais l’Afrique aujourd’hui doit relocaliser et recréer son marché de la musique pour que ses artistes ne soient plus des victimes.

Avez-vous déjà signé avec une major du disque ?

Non, depuis que je fais de la musique, je n’ai jamais signé avec une major. J’ai uniquement un accord de licence et une joint-venture (société commune) avec Universal Music. Mon œuvre appartient à mon label, pour moi, il est essentiel que les artistes détiennent pour toujours leur propre musique.

Aujourd’hui, les choses changent : avec la vidéo sur les téléphones, par exemple, mes amis voudraient tous voir ce que je fais. Pour moi, ce sont des contenus, mais dès que vous commencez à signer une soixantaine d’accords avec les principales compagnies (de téléphone, les GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon... – , les majors...), plus rien ne vous appartient. Ce que nous essayons d’encourager, c’est qu’au lieu de signer leurs droits partout, les artistes aillent sur notre plate-forme qui les prendra , contrairement à iTunes par exemple, tels qu’ils sont.

Y a-t-il une forte compétition entre les plates-formes musicales en Afrique du Sud ?

Pas tant que cela. Spotify est arrivé le mois dernier. Ils sont les bienvenus, mais là encore que vont-ils faire pour nous ? Je ne sais pas. Est-ce que c’est bon pour eux ? Assurément. Ils sont là pour faire de l’argent.

Le streaming n’est pas très developpé, car sur le continent africain les téléphones et les datas coûtent encore extrêmement cher. Jusqu’à dix fois ce que vous payez en Europe. En Afrique, le problème vient du fait que l’on ne peut pas s’offrir le streaming juste pour écouter de la musique. Les plates-formes de streaming démarreront vraiment quand ces coûts baisseront. D’ici cinq à dix ans.