Que s’est-il passé à Mourmelon-le-Grand (Marne), où Kévin, 17 ans, a été retrouvé mort samedi 2 juin, poignardé dans un parc de la ville ? C’est ce que tentent de découvrir les enquêteurs alors que deux mineurs, un garçon et une fille, ont été mis en examen mercredi 6 juin pour assassinat. En garde à vue, le garçon a reconnu être l’auteur des coups de couteau mortels, l’adolescente a nié toute implication. Ils ont tous deux été placés en détention provisoire.

« Si la participation du jeune garçon semble relativement cernée, celle de la jeune fille et son rôle méritent d’être encore largement précisés, a expliqué mercredi le procureur de Reims, Matthieu Bourette. Je ne peux que m’interroger pour savoir si j’ai “de nouveaux amants diaboliques” ou si j’ai une logique de bras armé avec une tête criminelle. » Le garçon, A., a en effet fini par reconnaître « avoir préparé et organisé le meurtre avec la complicité active de O. (la jeune fille), trois ou quatre jours avant » en simulant le vol de son sac.

Portrait robot imaginé

En quelques heures, l’élève de 1re littéraire, est passée du statut de seul témoin direct à celui de mis en cause, fragilisée par des propos contradictoires : aux enquêteurs, elle avait relaté qu’elle se trouvait dans le parc de cette commune située entre Reims et Châlons-en-Champagne accompagné de Kevin, son « presque petit ami », selon ses propos. Vers 15 heures, une altercation aurait éclaté entre Kevin et un agresseur qu’elle disait « ne pas connaître » et qui a donné à la victime « une vingtaine de coups de couteau dont deux coups mortels aux poumons avec une lame de 18 cm », a retracé le procureur.

A partir de ces indications, un appel à témoins doublé d’un portrait-robot avait été diffusé dès le lendemain pour retrouver la trace « d’un homme de couleur de peau “type” basané ». Ce descriptif avait déclenché un torrent de commentaires racistes sur internet.

« Le principal suspect est issu de l’immigration. Je refuse de m’habituer à cette barbarie qui tue la jeunesse de France ! » avait même tweeté lundi Marine Le Pen avant de supprimer son message. Car l’enquête a démontré que le portrait-robot réalisé par la jeune fille avait en fait été imaginé à l’avance par elle.

Malgré la mobilisation d’une cinquantaine de militaires, ce n’est que lundi, à la reprise des cours, qu’un camarade de l’agresseur a remarqué les blessures de celui-ci, permettant aux gendarmes de réorienter l’enquête.

« Brouiller les pistes »

Face à ces premiers éléments et leur volonté apparente de « brouiller les pistes », le procureur de la République a souligné « la dynamique organisationnelle quasiment machiavélique » du tandem, qui échangeait régulièrement des SMS selon les enquêteurs. D’après ses premières déclarations, le meurtrier aurait voulu aider son amie à se débarrasser de Kevin, avec qui elle continuait d’entretenir une relation ambiguë mais dont elle se plaignait du « harcèlement ».

A-t-il agi par amour pour la jeune fille ? « D’après son entourage, il aurait pu décrocher la lune et les étoiles pour elle » mais « l’ambivalence de cette relation est sans doute un des sujets essentiels du dossier », a concédé le procureur, M. Bourette.