Alors que certains enseignants de l’enseignement supérieur continuent de dénoncer la mise en œuvre d’une sélection à l’entrée de l’université, par l’intermédiaire de la nouvelle procédure d’admission Parcoursup, certains de leurs homologues des filières sélectives regrettent, de leur côté, que leur capacité à sélectionner soit remise en cause par cette même procédure. Tel est le paradoxe de Parcoursup, trois semaines après le début de la phase de réponses aux vœux des candidats, dont les trois quarts ont depuis reçu au moins une proposition.

Ces critiques proviennent d’enseignants d’instituts universitaires de technologie (IUT), particulièrement prisés des candidats cette année : la hausse des demandes pour les DUT, formations professionnalisantes en deux ans, dépasse en effet 25 % par rapport à la session 2017. Lors d’une réunion, le 30 mai, de tous les chefs de départements de la filière Gestion des administrations et des entreprises (GEA), qui forme 21 000 étudiants, ces derniers ont voté à la quasi-unanimité une motion dénonçant le fonctionnement de la nouvelle plate-forme, pourtant connu d’avance.

« La souveraineté des jurys est remise en question »

« La maîtrise d’œuvre de Parcoursup modifie nos classements » des candidats, explique Jean-François Antoine, ancien président de l’assemblée des chefs de département GEA, et responsable de celui de Troyes. Selon lui, c’est la « souveraineté même des jurys de sélection qui est remise en question par Parcoursup ».

En cause : la mise en œuvre par Parcoursup des quotas minimaux de boursiers. Instaurés dans les filières publiques sélectives et non sélectives par la loi pour l’orientation et la réussite des étudiants (ORE) promulguée en mars, ces taux minimaux de candidats admis titulaires d’une bourse visent à « lutter contre les inégalités sociales » et « relancer l’ascenseur social », selon les mots de la ministre, Frédérique Vidal.

Se voir imposer un quota de boursiers, fixé dans chaque formation par le recteur de l’académie, ne pose pas problème à ces enseignants, les IUT étant également soumis depuis plusieurs années à un quota minimum de bacheliers technologiques. Mais ils critiquent le fait que les boursiers, classés par l’équipe pédagogique en fonction de leurs dossiers, en même temps que les autres candidats, soient « remontés » par l’algorithme de Parcoursup, et « appelés » prioritairement quand ils sont en liste d’attente.

« La notion de mérite devient secondaire »

« La notion de mérite et de niveau devient secondaire avec ces remontées fantastiques et automatiques de candidats boursiers dans notre classement. En termes de communication, comment peut-on expliquer ça aux lycéens ou à leurs parents ? » commente ainsi Jean-Paul Maugean responsable des GEA à l’IUT de Besançon. Chez lui, le taux de boursiers a été fixé à 17 %, « nous étions naturellement à 19 % l’année dernière », rappelle-t-il. Mais ce taux correspondait aux étudiants de la promotion titulaires d’une bourse sur critères sociaux de l’enseignement supérieur, plus large dans ses critères d’éligibilité que la bourse accordée aux lycéens, utilisée par Parcoursup comme référence.

« Lorsque vous avez 300 étudiants classés selon nos critères, et que Parcoursup appelle le 298e avant le 150e car il est boursier, et qu’il ne serait peut-être pas entré sans cela, les collègues peuvent se sentir dépossédés de leur travail », commente de son côté Bernard Lickel, directeur de l’IUT Robert-Schuman à Strasbourg. Il évoque aussi des « difficultés » liées à la « procédure de réponses en continu, qui ralentit » le remplissage des filières, alors que la précédente plate-forme, Admission post-bac, fonctionnait avec trois vagues de réponses aux candidats. Des difficultés qui touchent aussi selon lui d’autres filières fortement demandées dans les IUT telles que « techniques de commercialisation » et « information communication » . Le directeur souligne toutefois les « aspects très positifs » de la loi ORE, tels que la prise en compte de la « fiche avenir » de l’élève, où ses enseignants donnent un avis sur ses vœux.

Rodolphe Dalle, président de l’association des directeurs d’IUT (ADIUT), à la tête de celui de Nantes, préfère attendre la fin de la procédure pour « analyser avec finesse la session 2018 et réclamer des améliorations s’il y en a besoin ». Ce qui lui semble « plus raisonnable et sage, et pour ne pas ajouter de stress aux candidats ». La question de ces quotas sera tout de même à l’ordre du jour de la prochaine réunion des directeurs d’IUT.