A la cité des 3000, à Aulnay-Sous-Bois (Seine-Saint-Denis), le 7 février 2017. / GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Erigé en emblème de la lutte contre les violences policières, Théo L., 23 ans, victime supposée d’un viol lors de son interpellation à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) en février 2017, est ressorti libre de garde à vue mercredi 6 juin, dans la soirée. Tout comme quatre autres proches, parmi lesquels son frère Grégory. Du moins pour l’instant.

« Le juge d’instruction appréciera ultérieurement les suites à donner à leur garde à vue », a précisé le parquet de Bobigny. En revanche, l’aîné de la fratrie, Mickaël, 34 ans, a été mis en examen jeudi pour « escroquerie en bande organisée au préjudice d’un organisme chargé d’une mission de service public, abus de confiance, blanchiment, faux et usage de faux, travail dissimulé » et placé sous contrôle judiciaire.

Dans le cadre d’une enquête ouverte mi-2016 et confiée à la police judiciaire de Seine-Saint-Denis, la justice soupçonne certains membres de la famille d’avoir détourné plusieurs centaines de milliers d’euros d’aides publiques par le biais de quatre associations œuvrant officiellement dans le domaine de la médiation sportive dans les quartiers. Au cœur de ce mécanisme, l’une d’elles, Aulnay Events, présidée par le frère aîné, qui, entre janvier 2014 et juin 2016, aurait embauché 42 personnes grâce à des contrats aidés (contrats d’avenir), touchant ainsi 643 000 euros de subventions d’Etat, selon le parquet de Bobigny.

« Erreurs de gestion »

Ces embauches correspondaient-elles à des emplois réels ? Ou s’agissait-il d’emplois fictifs ? L’instruction devra le déterminer. Elles auraient en tout cas permis à plusieurs membres de la famille de toucher 170 000 euros, dont 52 000 euros pour Théo, selon Le Parisien. Les autres salariés n’auraient jamais été payés ou très modestement, tandis que les montants dus à l’Urssaf n’auraient pas été réglés – soit plus de 350 000 euros. Interdit bancaire et repéré par l’inspection du travail, Mickaël aurait dupliqué le même procédé à travers plusieurs structures – 113 000 euros de subventions touchées par l’intermédiaire de deux autres associations par exemple –, par le biais de prête-noms, dont certains ont également été placés en garde à vue, avant d’être libérés. Selon une source proche du dossier, face aux enquêteurs, il aurait admis avoir commis des « erreurs de gestion » et déclaré ne « pas en être fier » et assuré en être le seul responsable.

La révélation de l’existence de cette enquête dans la presse, quelques semaines seulement après l’interpellation de Théo en février 2017, avait été interprétée par des membres de la famille du jeune homme comme une volonté de nuire à l’image de ce dernier en le présentant comme un délinquant afin de décrédibiliser leur combat contre les violences policières.

Au cours du contrôle d’identité qui a dérapé, Théo a été grièvement blessé par un coup de matraque télescopique dans l’anus, provoquant une section de son sphincter anal et une lésion – de dix centimètres de profondeur – de son canal. Quatre policiers ont été mis en examen : un pour viol, trois pour violences. Me Antoine Vey, l’avocat de la fratrie, souligne que « les fautes de gestion reconnues par Mickaël n’ont strictement rien à voir avec l’affaire dans laquelle Théo est victime ».