« Certains disaient que la fin du taux réduit de TVA nous ferait arrêter notre kiosque numérique. Ce n’est pas le cas. » C’est le message qu’a voulu faire passer, jeudi 7 juin, Altice France-SFR, via son directeur exécutif grand public, Grégory Rabuel. La limitation de l’application de la TVA préférentielle réservée aux médias, en mars 2018, a mis fin à un effet d’aubaine pour les opérateurs télécoms et chamboulé le modèle économique des applications de lecture de la presse qu’ils avaient mis en place. Mais Altice espère tout de même sauver son kiosque, SFR Presse, dont il vient de proposer une nouvelle version.

Le service va être amélioré : alors qu’il ne proposait que le téléchargement d’éditions de journaux numériques au format PDF, SFR Presse permettra désormais de passer beaucoup plus facilement d’un titre à un autre, en proposant des articles « sur le même thème ». Sur son smartphone, l’abonné pourra consulter dans son flux personnalisable tous les articles des éditions des médias qu’il aura décidé de suivre. Mais aussi, désormais, tous les contenus de leur site payant : articles web, voire vidéos.

L’accès au kiosque de SFR est toutefois beaucoup plus restreint : depuis avril, il n’est plus inclus gratuitement dans ses forfaits. Les nouveaux clients devront désormais payer 5 euros par mois pour y accéder. Et 10 euros par mois, s’ils ne sont pas abonnés SFR. « Nous restons un opérateur convergent », glisse au passage M. Rabuel, arguant que l’accès aux contenus, comme la presse, se fait à un tarif préférentiel pour les abonnés-maison. Un argument qui sonne comme une justification, alors que la stratégie de convergence entre télécoms et médias défendue par Patrick Drahi est régulièrement contestée.

« Le modèle était pervers »

Les 17 millions de clients abonnés d’office à SFR Presse continueront d’y avoir accès – environ 350 000 personnes s’en servent tous les mois. Mais leur nombre va décroître au gré des désabonnements. Surtout, l’afflux de nouveaux clients, qui devront souscrire à l’option kiosque, sera fortement réduit. Altice espère, à terme, convaincre des « centaines de milliers » d’abonnés en France.

L’équation économique change aussi beaucoup : Altice ne paiera plus aux éditeurs, comme avant, 25 à 45 centimes par exemplaire téléchargé (200 000 exemplaires par jour, actuellement). « Le modèle était pervers : plus ça marchait, plus ça coûtait », a expliqué Alain Weill, senior vice-président d’Altice Group. Désormais, l’opérateur paye un montant fixe forfaitaire à chacun des 50 titres présents (contre 80 auparavant). Le modèle rejoint celui de la plateforme de vidéo par abonnement Netflix, dont les prix d’achat de programmes ne sont pas indexés sur les audiences.

Le montant total distribué aux éditeurs (de 20 à 30 millions par an) ne baissera pas avec la nouvelle formule, assure M. Weill. Mais pour l’opérateur, le risque est plus grand : équilibrera-t-il ses coûts ? Et pour les éditeurs, surtout de taille modeste, la négociation pourra être plus rude. Ceux-ci sont devant un dilemme : être présent dans un kiosque d’opérateur à 5 ou 10 euros par mois peut-il les empêcher de recruter en direct des abonnés numériques à 7 ou 10 euros par mois ?

« Il faut gérer les deux. C’est un défi pas facile, a répondu Alain Weill, alors que Libération, titre du groupe va lancer une nouvelle formule numérique payante. Mais il faut expérimenter. » Une allusion voilée aux titres qui refusent d’intégrer SFR Presse, comme Le Monde ou Le Point.