Beaucoup s’attendaient à une scission de l’intersyndicale et à l’amorce d’une sortie du conflit. Et c’est tout le contraire qui s’est produit. Jeudi 7 juin, alors que le mouvement des cheminots contre la réforme de la SNCF en était à son vingt-septième jour de grève, les quatre organisations syndicales représentatives de l’entreprise publique (CGT, UNSA, SUD, CFDT) ont réaffirmé leur volonté unitaire de lutter contre le nouveau pacte ferroviaire qui vient d’être voté au Sénat, mardi 5 juin.

Le calendrier de la grève est donc fermement maintenu et la pression remise sur le gouvernement. Même la proposition de l’UNSA de mettre entre parenthèses le conflit pendant la période du baccalauréat (18 au 23 juin) afin de faciliter les déplacements des candidats n’a pas été retenue par l’intersyndicale.

« Guillaume Pepy [le président de la SNCF] s’est chargé d’annoncer que le plan de transport sera suffisant et adapté pour permettre aux élèves d’aller passer le bac, a ironisé Thierry Nier, secrétaire général adjoint de la CGT-Cheminots, le premier syndicat de la SNCF. L’entreprise prend ses responsabilités, et nous, on garde le même calendrier. » A l’UNSA, les responsables disent regretter cette décision, mais ne quittent pas le mouvement pour autant.

Inquiétude profonde

Il paraît désormais clair que la grève en pointillé ira, au moins, au terme de l’agenda présenté, il y a maintenant presque trois mois, par l’intersyndicale, et qui prévoit encore huit journées de grève jusqu’au 28 juin. « Le mouvement pourrait même être reconduit sous une autre forme en juillet et août, croit savoir un bon connaisseur du dossier. Les syndicats réfléchissent à de nouvelles formes de lutte pour cet été : des débrayages seulement le week-end ou une fois par semaine. » La crainte gouvernementale que les cheminots s’installent dans une grève chronique – et de plus en plus difficile à arrêter – semble devenue une réalité.

Le 7 juin, à 44 %, après dix semaines de conflit, le taux de conflit, le taux de conducteurs grévistes restait très élevé

Quand au mouvement lui-même, il plie mais ne rompt pas. Jeudi 7 juin, le taux de grévistes s’élevait à 14,3 %, un chiffre très légèrement inférieur à celui du 29 mai (14,4 %), précédent jour de grève en semaine. Si Mathias Vicherat, directeur général adjoint de la SNCF, se félicite que, « pour la première fois depuis le début du conflit, le service a été normal un jour de grève sur les trois principales liaisons TGV, Paris-Lyon, Paris-Marseille et Paris-Lille », les signes d’une inquiétude profonde du corps social cheminot demeurent.

Le taux de conducteurs grévistes était ainsi très élevé le 7 juin (44 %), après dix semaines de conflit. Quant au niveau de perturbation du trafic des TER (un train sur deux en moyenne, vendredi 8 juin), il montre que la future possibilité de transfert à la concurrence des lignes régionales ne passe pas.

Cette pugnacité antiréforme de la base cheminote conforte les syndicats les plus hostiles à la nouvelle loi ferroviaire (CGT, SUD) et rallie à une ligne dure ceux qui seraient par nature enclins à la négociation (UNSA, CFDT). « Le conseil national du 31 mai dernier nous a donné un mandat clair : rester dans le mouvement unitaire », explique Florent Montheillet, secrétaire fédéral de l’UNSA Ferroviaire. « L’UNSA est pétrifiée, décode un négociateur du patronat. Leur grande trouille est de sortir les premiers du conflit pour ensuite se faire flinguer aux élections professionnelles, en novembre. »

« Journée de la colère cheminote »

Côté CFDT, le congrès confédéral, qui s’achève à Rennes, vendredi 8 juin, a vu un Didier Aubert, patron de la Fédération des cheminots CFDT, brandissant son écharpe orange « Fier d’être cheminot », grand vainqueur à l’applaudimètre. « Il y a eu des spéculations sur des désaccords entre la CFDT Cheminots et Laurent Berger, qui nous aurait poussés à la conciliation avec le gouvernement, explique son secrétaire général adjoint Rémi Aufrère-Privel. La vérité, c’est qu’il n’y a pas d’ambiguïté et de différences de vues : nous appelons à la plus grande mobilisation pour les préavis de grève qui viennent. »

La semaine prochaine sera marquée par trois moments-clés. Le premier aura lieu lundi 11 juin : c’est la commission mixte paritaire (CMP). Sept sénateurs et sept députés devront se mettre d’accord sur le texte final. La CMP, c’est l’ultime fenêtre pour faire changer la loi. L’UNSA et la CFDT ont d’ailleurs transmis des propositions d’amendements.

Deuxième étape d’importance : le lendemain, mardi 12 juin, les syndicats appellent à un regain de mobilisation pour une nouvelle séquence appelée « Journée de la colère cheminote ». Enfin, les jours d’après (les 13, 14, 15 juin), pourraient se tenir une ou plusieurs tables rondes tripartites syndicats-patronat-Etat, afin de lancer les négociations sur la future – et fondamentale – convention collective du transport ferroviaire.