A l’heure où des « amendes forfaitaires délictuelles » de 300 euros pour consommation de cannabis vont être instaurées et où la ministre de la santé, Agnès Buzyn, a ouvert la porte à un usage thérapeutique, 51 % des Français sont favorables à une autorisation encadrée du cannabis, selon une enquête de l’IFOP pour Echo Citoyen et Terra Nova publiée lundi 11 juin (enquête réalisée en ligne du 15 au 18 mai auprès de 2005 personnes de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas). Surtout les jeunes et les sympathisants de gauche.

Les Français s’y montrent de plus en plus favorables à l’autorisation du cannabis « sous condition » (en maintenant son interdiction aux mineurs et sa prohibition au volant, par exemple). Jugeant les politiques publiques actuelles inefficaces, ils souhaitent trouver une alternative à la logique de prohibition et de répression inspirée par la loi de 1970, qui incriminait l’usage de stupéfiants, sans distinction entre drogue douce et dure.

Si elles reconnaissent le cannabis comme un enjeu de santé publique, les personnes interrogées considèrent qu’il est moins dangereux pour la santé que le tabac (7,8 sur 10 contre 8,2). En revanche, 82 % d’entre elles déclarent nécessaire l’autorisation du cannabis médical de façon là encore encadrée (sur ordonnance, etc.). Par ailleurs, le sondage révèle que les Français souhaitent surtout que la production du cannabis soit confiée à des « entreprises sous licence d’Etat », convoquant un enjeu de santé publique majeur.

Selon l’étude, deux clivages peuvent être relevés sur la question. D’une part la jeune génération est moins conservatrice que la plus âgée. D’autre part, selon les affinités politiques, des écarts d’opinion se creusent et certains accueilleraient fraîchement une réforme sur le cannabis.

Clivage intergénérationnel

La consommation de cannabis est devenue une pratique sociale répandue, surtout chez les jeunes. En effet, selon le sondage, « une quinzaine de millions de Français majeurs auraient déjà consommé du cannabis », soit près de la moitié des moins de 35 ans, en particulier les étudiants (45 %). Les moins de 35 ans, surtout urbains, diplômés et CSP + sont nombreux à en avoir consommé au moins une fois dans leur vie. 55 % d’entre eux sont d’accord pour que l’on « autorise la consommation de cannabis sous certaines conditions (interdiction avant de conduire, pour les mineurs…) », contre seulement 48 % des 35-49 ans.

Quand la proposition suggère que « le cannabis pourrait être mis en vente libre avec une régulation de l’Etat », 51 % des moins de 35 ans sont pour, contre seulement 31 % des 65 ans et plus, plus attachés aux « valeurs morales » et aux règles.

Clivages politiques

Les attitudes face au cannabis varient également selon les préférences politiques. Les sympathisants de gauche sont plutôt favorables à sa légalisation (60 %), d’autant qu’ils sont nombreux à en avoir consommé. Ceux de La France insoumise et d’Europe Ecologie-Les Verts sont les plus demandeurs d’ouverture, tandis que les sympathisants du Parti socialiste sont davantage sur la réserve.

Les plus conservateurs sont surtout les sympathisants du parti Les Républicains. Ils évoquent la dangerosité de son usage, qu’ils notent à 8,3 sur 10 (contre 7,8 en moyenne). Mais le clivage droite/gauche n’est pas si classique : les sympathisants La république en marche sont très divisés sur le sujet, bien que souvent proches des moyennes nationales dans leurs réponses. 40 % d’entre eux jugent l’usage du cannabis comme très dangereux, ils sont aussi la moitié à être opposés à une « autorisation sous condition ».

Paradoxalement, les partisans du Rassemblement national (ex-FN), eux, notent la dangerosité du cannabis à seulement 7,7 sur 10. Malgré leur attachement aux valeurs traditionnelles, ils sont favorables à 43 % à une autorisation du cannabis et se déclarent même nombreux à en avoir déjà consommé une fois dans leur vie (39 %), voire plus d’une fois par an.