Ahmed Al-Barwane, haut responsable de l’un des principaux partis de l’opposition comorienne, a été condamné, lundi 11 juin, à six mois de prison avec sursis pour sa participation à une manifestation contre le président du pays, Azali Assoumani, qu’il accuse de dérive autoritaire. Il doit être libéré dans la journée. Sa condamnation a été annoncée par le juge Aliami Youssouf, qui n’a pas précisé de quelles accusations il avait été reconnu coupable.

Secrétaire général du parti Juwa – celui de l’ancien président Ahmed Abdallah Sambi –, Ahmed Al-Barwane avait été interpellé le 1er juin à la sortie de la grande mosquée de Moroni, la capitale de l’archipel, lors de violents affrontements entre la police et des manifestants hostiles au chef de l’Etat. D’autres rassemblements anti-régime avaient été signalés le même jour dans cinq autres localités de l’île de Ngazidja (anciennement Grande Comore). A Mutsamudu, la capitale de l’île de Ndzouani (Anjouan), les forces de l’ordre avaient dispersé des groupes de jeunes qui exigeaient la « libération » de l’ex-président Sambi, assigné à résidence par son successeur.

« Rétablissement des institutions démocratiques »

L’opposition comorienne a multiplié les manifestations ces dernières semaines, après une série de mesures très controversées prises par le chef de l’Etat. Azali Assoumani a suspendu la Cour constitutionnelle et convoqué pour le 29 juillet un référendum qui lui permettrait de briguer dès 2019 un deuxième mandat consécutif à la tête de ce petit archipel pauvre de l’océan Indien.

« Nous demandons le rétablissement des institutions démocratiques, et notamment la Cour constitutionnelle, avant toute idée de référendum », avait lancé devant la presse, samedi 2 juin, l’un des porte-parole de l’union de l’opposition, Mohamed Abdou Soimadou. « Il y a eu une vingtaine de défilés sur l’ensemble du territoire national pour dénoncer le projet de référendum, avait-il ajouté, faisant référence aux manifestations de la veille. C’est le peuple lui-même qui s’est emparé de la lutte pour exiger l’Etat de droit. »

Les Comores ont été agitées pendant de nombreuses années par des crises séparatistes et des coups d’Etat. L’adoption en 2001 d’une nouvelle Constitution a contribué à y mettre fin. Ce texte a notamment instauré une présidence tournante, tous les cinq ans, entre les trois îles qui composent l’Union des Comores (Ngazidja, Ndzouani et Moili – anciennement Mohéli). C’est ce système que le président Azali veut réformer à la faveur du référendum constitutionnel de juillet.

Nature criminelle

A deux mois de ce scrutin, le siège de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a été ravagé par les flammes dans la nuit du 6 au 7 juin. « Le gouvernement condamne avec la plus grande fermeté cet acte barbare contre une institution démocratique du pays et qui intervient en plein lancement du processus référendaire », a déclaré le ministre de la justice, Moussa Mahoma (qui assurait l’intérim du ministre de l’intérieur, Mohamed Daoudou, en déplacement). « Les enquêteurs laissent entendre que l’incendie pourrait être de nature criminelle », a-t-il ajouté.

En dépit de ce sinistre – qui n’a pas fait de victimes –, le gouvernement a décidé de maintenir le référendum constitutionnel prévu le 29 juillet. « Toutes les dispositions seront prises, il va falloir trouver dans des délais assez brefs un nouveau siège pour la Ceni », a expliqué le ministre.

Azali Assoumani a déjà fait savoir qu’il serait candidat à un deuxième mandat consécutif en cas de victoire du « oui » lors de cette consultation. Le colonel, originaire de l’île de Ngazidja, a été élu en 2016 pour un mandat de cinq ans. Il avait déjà occupé la fonction suprême de 1999 à 2006, à la suite d’un putsch, avant de céder démocratiquement le pouvoir.

Un émissaire de l’Union africaine (UA) est attendu prochainement à Moroni pour des « consultations avec le gouvernement et les autres acteurs concernés », selon l’organisation panafricaine.