Les semaines qui précèdent une Coupe du monde ne sont pas que celles des matchs amicaux déséquilibrés et des stages de « team building » dans des coins isolés. C’est aussi celles où sont affinées les listes des joueurs que chaque équipe peut appeler. Comme tous les quatre ans, une autre liste, celle des joueurs de premier plan qui en seront absents, est impressionnante, constituée de ceux dont l’équipe ne s’est pas qualifiée, ceux qui se sont blessés, ceux qui ne se sont pas assez intégrés au groupe ou n’ont pas assez joué en club, les trop âgés et les pas assez expérimentés.

Il suffit d’en choisir 24 pour voir que du beau monde va, selon l’expression consacrée, « regarder la compétition depuis son canapé ». Et que cette équipe internationale de perdants, de rebus et d’infirmes pourrait aller très loin si, dans un univers parallèle, elle pouvait jouer.

Gianluigi Buffon (gardien, 40 ans, Italie)

Un des plus grands gardiens de l’histoire aurait pu devenir le premier joueur à participer à six Coupe du monde. Au lieu de ça, un tir suédois dévié et une Squadra à bout de souffle l’auront fait pleurer et quitter la vie footballistique internationale. Heureusement, il y a le PSG.

Jan Oblak (gardien, 25 ans, Slovénie)

Sauver l’Atlético Madrid lors des rares occasions où sa défense faiblit, Oblak sait faire. Etre le gardien qui a le moins encaissé de buts en Liga, aussi. Mais porter une fragile équipe slovène jusqu’en Russie, ça, même deux Oblak ne sauraient le faire.

Virgil van Dijk, le 26 mars 2018. / FABRICE COFFRINI / AFP

Virgil van Dijk (défenseur central, 26 ans, Pays-Bas)

Peut-être le seul joueur qui, après avoir été acheté pour la somme insensée de 84 millions d’euros, vous convainc qu’il mérite d’être le défenseur le plus cher de l’histoire. Ceux qui ont vu la solidité défensive de Liverpool en seconde partie de saison le savent.

Leonardo Bonucci (défenseur central, 31 ans, Italie)

« Bonny » aura tout raté cette année : un départ de sa Juventus historique (qui gagnera sans lui) pour le Milan AC (qui ne gagnera rien avec lui), des éliminatoires dramatiques avec l’Italie (avec qui il n’a jamais rien gagné) et, au bout, le brassard azzuri pour la phase de reconstruction qui s’annonce. Le sale boulot sans la gloire.

Laurent Koscielny (défenseur central, 32 ans, France)

Il avait annoncé que la Russie serait sa dernière Coupe du monde et quatre mois après… rupture du tendon d’Achille. Entre-temps, Arsène Wenger quittait Arsenal. Dure fin de saison pour l’ex-défenseur le plus expérimenté des Bleus (51 sélections).

Dani Alves (latéral droit, 35 ans, Brésil)

Le défenseur du Paris-SG a fait « une Falcao », consistant à rater la plus grande compétition du football après s’être blessé dans une compétition légèrement moins médiatique : la Coupe de France. Farceur, Dani n’a pas abandonné l’idée d’une participation en 2022 : « Mon corps aura 39 ans mais mon esprit aura tout juste atteint les 17 ans. »

David Alaba (latéral gauche, 25 ans, Autriche)

Né en 1992, le latéral du Bayern Munich a déjà gagné 7 championnats d’Allemagne et 1 Ligue des champions. Il n’a jamais vu la couleur d’une Coupe du monde, et ne la verra peut-être jamais car son pays a raté les 5 dernières, et est bien parti pour continuer.

Marek Hamsik, le 28 mai 2017. / MARCO BERTORELLO / AFP

Marek Hamsik (milieu, 30 ans, Slovaquie)

En Slovaquie, « tous les jeunes joueurs voudraient être Marek Hamsik », exactement comme à Naples, où il joue depuis onze ans. Finalement, il n’y aura ni deuxième Coupe du monde ni titre en Serie A pour le Maradona de Bratislava.

Marco Verratti (milieu, 25 ans, Italie)

Un Mondial sans Marco est un Mondial sans contrôle orienté délicieux et sans pétages de plomb inutiles contre l’arbitrage. Point positif : il sera le capitaine en 2022 d’une équipe plus italienne que jamais.

Luiz Gustavo (milieu, 30 ans, Brésil)

Monumental dans l’entre-jeu de l’OM, il a pâti de l’invraisemblable concurrence à son poste en Seleçao, et, on imagine, parce qu’il traîne encore l’odeur de défaite de 2014 contre l’Allemagne.

Arturo Vidal (milieu, 31 ans, Chili)

L’absence de Vidal signe la fin de cette génération dorée chilienne qui a gagné et enchanté durant les deux dernières Coupes du monde et remporté deux Copas America (2015, 2016). Qualifiés à leur place, les Péruviens se sont rappelés au souvenir des Chiliens qui avaient écrit dans leur stade pendant les qualifs : « Les champions d’Amerique sont passés par là ». Karma.

Radja Nainggolan (milieu, 30 ans, Belgique)

Lorsqu’il n’a pas été retenu par le sélectionneur Roberto Martinez, une vraie fausse manifestation a eu lieu devant le siège de la fédération et la presse a pleuré l’absence du « gladiateur romain ». Peu de joueurs auraient eu droit à ce genre de réactions.

Miralem Pjanic (milieu, 28 ans, Bosnie)

En Russie, il n’y aura ni le vrai Pirlo ni son plus digne clone. Pivot essentiel de la Juventus, Pjanic pâtit, comme d’autres esthètes slaves, de l’extrême faiblesse de son équipe nationale.

Naby Keita (milieu, 23 ans, Guinée)

Le 1er juillet, pendant que le monde du football regardera les huitièmes de finale à Moscou et Nijni Novgorod, le Guinéen signera officiellement à Liverpool et commencera son ascension vers la position de meilleur milieux « box to box » du monde.

Adrien Rabiot (milieu, 23 ans, France)

L’absence qui « ne répond à aucune logique sportive » nous a bien occupés avant que les choses ne deviennent sérieuses pour les Bleus. Ça aura aussi donné lieu à pléthore de jeux de mots (les connaisseurs des lives du Monde.fr Sports savent).

Sergei Grits / AP

Gareth Bale (ailier, 28 ans, pays de Galles)

Le Gallois a préféré finir sa saison 2017-2018 sur un doublé en Ligue des champions, dont un retourné légendaire, plutôt que de risquer l’humiliation, ou pire la blessure, avant son grand transfert annoncé cet été.

Leroy Sané (ailier, 22 ans, Allemagne)

Le cas classique d’un joueur qui explose (14 buts, 17 passes) dans un système de jeu bien précis (celui de Guardiola à Manchester City), mais pour lequel un sélectionneur intouchable (Joachim Löw) n’a pas une grande utilité. C’est là où Sané regrette d’avoir refusé les équipes de France ou du Sénégal.

Christian Pulisic (ailier, 19 ans, Etats-Unis)

Le joyau américain ne connaîtra pas la Coupe du monde, la faute à un effondrement dans les éliminatoires qui s’est conclu par le nadir du football américain, une défaite 2-1 au Stade Ato Boldon de Couva face à l’équipe de Trinité-et-Tobago.

Lorenzo Insigne (ailier, 27 ans, Italie)

« Je ne peux qu’apprendre à ses côtés. Il va nous motiver à faire mieux, parce que c’est un gagnant et il l’a prouvé tout au long de sa carrière. » Le petit ailier napolitain ne parle pas du nouveau sélectionneur italien Mancini, mais de son nouveau coach en club, Ancelotti. Le sens des priorités.

Lionel Messi (à gauche) et Mauro Icardi, le 5 septembre 2017. / ALEJANDRO PAGNI / AFP

Mauro Icardi (attaquant, 25 ans, Argentine)

Pour comprendre pourquoi Icardi, meilleur buteur de Serie A, n’est pas en Russie, il faut connaître son histoire avec l’attaquant Maxi Lopez, le fait qu’il se soit marié avec son ex-femme et qu’il se soit tatoué le visage de ses enfants sur le corps. Il faut aussi savoir que Maxi Lopez est bon ami avec Lionel Messi et que Lionel Messi décide, plus ou moins, de qui vient en sélection.

Zlatan Ibrahimovic (attaquant, 36 ans, Suède)

Depuis son exil californien, Zlatan, plus que jamais dans sa période autocaricaturale, a fait le lobbying pour sa présence en Russie. C’était, comme d’hab, avec des aphorismes calqués sur ceux de Chuck Norris, comme « une Coupe du monde sans moi ne serait pas une Coupe du monde ». En vain.

Zlatan Ibrahimović on Playing for LA Galaxy, His Nicknames & The World Cup
Durée : 08:39

Alvaro Morata (attaquant, 25 ans, Espagne)

L’Espagne n’a pas eu besoin de l’attaquant le plus cher de l’histoire du football espagnol. Sa saison médiocre à Chelsea (11 buts en 31 matchs) a fait oublier ses bons matchs avec la Roja en 2016-2017 (12 buts en 17 matchs, dont 3 à l’Euro).

Karim Benzema (attaquant, 30 ans, France)

Le bannissement du joueur à 81 sélections et 4 Ligues de champions dure depuis 2015 et, si on met bout à bout les déclarations des uns et des autres, il commence à ressembler à une telenovela :

– Didier Deschamps [le sélectionneur] : « Pour être sincère, même s’il avait été disponible aujourd’hui, je ne l’aurais pas pris parce que je considère que ce n’est pas le moment. »

– Franck Ribéry [le pote] : « On t’a mis un carton rouge qui dure depuis presque trois ans, mais pendant ce temps-là ça fait carton plein. »

– Karim Benzema [le concerné] : « J’ai 30 ans, deux enfants, je suis tranquille ici. S’ils ont besoin de moi, ils savent où je suis. »

– Hugo Lloris [le capitaine] : « Je ne crois pas que ce soit la fin pour Karim avec la France. »

On aurait pu ajouter : Joe Hart (Angleterre), Stefan De Vrij (Pays-Bas), Serge Aurier (Côte d’Ivoire), Jack Wilshere (Angleterre), Renato Sanches (Portugal), Henrik Mkhitaryan (Arménie), Riyad Mahrez (Algérie), Mario Götze (Allemagne), Anthony Martial (France), Ciro Immobile (Italie), Dimitri Payet (France), Emre Can (Allemagne), Fabinho (Brésil), Aaron Ramsey.