Les résultats que publie Greenpeace, lundi 11 juin, devraient inciter les autorités sanitaires à s’intéresser à la qualité de l’air que l’on respire sur les terrains de sport, très souvent installés en bordure d’importants axes routiers dans les grandes agglomérations. L’ONG a mesuré les concentrations en dioxyde d’azote (NO2), un gaz très toxique émis majoritairement par le trafic automobile, sur six terrains de foot à Paris, Lyon et Marseille.

A l’exception d’un stade lyonnais, tous présentent des dépassements des valeurs limites prônées par l’Organisation mondiale de la santé (40 µg/m3 en moyenne annuelle). Avec une pointe à plus de 120 µg/m3 le 21 mai, sur le complexe sportif La Martine, implanté le long de l’autoroute A7, dans le nord de Marseille.

« Ces niveaux de concentration sont particulièrement préoccupants parce qu’ils interviennent dans des lieux et à des heures où des enfants et des adultes peuvent pratiquer une activité physique et donc inhaler quatre à dix fois plus de polluants atmosphériques qu’au repos », note Greenpeace.

Contrainte foncière

Des résultats d’autant plus « préoccupants » que les mesures ont été réalisées en dehors d’épisode dits de pollution. A Paris, les niveaux relevés (53,6 µg/m3 au city stade de la porte de Vanves ; 52,6 au stade Jules Ladoumègue, porte de Pantin) auraient sans doute même été encore plus élevés si les mesures n’avaient pas été effectuées pendant les ponts de mai où le trafic automobile est moins dense.

Limitées à des périodes de deux heures, correspondant à des entraînements ou des matchs, les sessions de mesures effectuées par Greenpeace ne suffisent pas à tirer des conclusions définitives. Les données manquent sur la situation des complexes sportifs. La dernière étude réalisée par Airparif, l’organisme de surveillance de la qualité de l’air en Ile-de-France, remonte à décembre 2012.

Sur la base des relevés annuels des stations de mesure, celle-ci montrait que 42 % des terrains de sport de plein air de la capitale dépassaient les valeurs réglementaires en NO2. Et que pour huit d’entre eux, les normes n’étaient pas respectées pour l’ensemble des polluants recherchés, à savoir également les particules fines PM10 (de diamètre inférieur à 10 µm) et PM2,5 (inférieur à 2,5 µm) ainsi que le benzène. « La proximité des axes routiers par rapport à l’implantation des terrains de sport de plein air joue un rôle important vis-à-vis des teneurs des polluants », concluait sans surprise Airparif.

A Paris, en raison de la contrainte foncière, à l’exception notable du centre Emile-Anthoine au pied de la Tour Eiffel, tous les complexes sportifs ont été construits en bordure du périphérique. On en compte aujourd’hui une trentaine, auxquels il faut ajouter les mini-terrains de foot à 5 qui poussent comme des champignons. Tous les jours, s’y époumonent à proximité des gaz d’échappement des milliers d’enfants avec leur école, d’adolescents et d’adultes en club ou en loisir.

« Pas bon du tout »

« Faire du sport au bord du périphérique, ce n’est pas bon du tout », résume la pneumo-pédiatre Jocelyne Just. « On recommande de ne pas faire d’efforts physiques en extérieur lors des pics de pollution mais c’est aussi valable lorsque le niveau de pollution de fond est élevé comme c’est le cas près des grands axes routiers », explique la chef du service d’allergologie pédiatrique de l’hôpital Armand-Trousseau. « Quand on produit un effort, on inhale davantage de polluants, rappelle le professeur Just. On s’expose alors à un risque accru d’accident aigu comme les crises d’asthme pour les enfants ou les infarctus pour les plus âgés ». A long terme, prévient la pneumologue, l’exposition chronique à la pollution altère la croissance pulmonaire chez les enfants et favorise les broncho-pneumopathie chroniques obstructives (BPCO) chez les adultes.

Principalement émis par les véhicules diesel, le NO2 est responsable à lui seul de plus de 9 000 morts prématurées par an en France, selon les dernières données de l’Agence européenne pour l’environnement, et contribue à la formation des particules fines, à l’origine de 48 000 décès chaque année.

« Le problème, ce n’est pas le sport, c’est la pollution, réagit Jean-François Martins, adjoint aux sports à la mairie de Paris. C’est un enjeu de santé publique qui nous rappelle qu’il ne faut pas trembler au moment d’interdire le diesel. » La maire de Paris, Anne Hidalgo, a programmé d’en sortir en 2024, année des Jeux olympiques. La présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, vient de la rejoindre sur la fin du diesel en 2025, étendue à la petite couronne, dans un périmètre à l’intérieur de l’A86. D’ici là, Jocelyne Just « recommande de ne pas faire de sport près du périphérique ».

L’étude intervient alors que d’autres résultats sont attendus avec appréhension. L’Agence nationale de sécurité sanitaire et de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) doit remettre à la fin du mois son rapport sur les risques liés à l’utilisation des caoutchoucs recyclés dans les pelouses synthétiques. L’Anses a été saisie en février par les ministères de la santé et des sports afin d’évaluer la dangerosité de ces petites billes noires fabriquées à partir de vieux pneus : des études américaines ont en effet révélé qu’elles pouvaient contenir plusieurs substances cancérogènes, tels les hydrocarbures aromatiques polycycliques.