Kim Jong-un et Donald Trump lors de leur sommet historique à Singapour, le 12 juin. / SAUL LOEB / AFP

L’image a longtemps été inimaginable. Le président des Etats-Unis, Donald Trump, et le dirigeant de la Corée du Nord, Kim Jong-un, ont échangé, mardi 12 juin matin, une poignée de main et des amabilités devant l’hôtel de Singapour où ils ont entamé un sommet inédit dans l’histoire des relations entre les deux pays.

Les deux hommes se sont salués devant une large rangée de drapeaux avant de marcher ensemble sur un tapis rouge, échangeant quelques mots. « Nous allons avoir une relation formidable », a déclaré le locataire de la Maison Blanche. « Le chemin pour en arriver là n’a pas été facile », a estimé de son côté l’homme fort de Pyongyang : « Les vieux préjugés et les habitudes anciennes ont été autant d’obstacles, mais nous les avons tous surmontés pour nous retrouver ici aujourd’hui. »

L’entretien en tête a tête a été beaucoup plus court que ce qui avait été annoncé à l’origine. Environ quarante-cinq minutes alors qu’il avait été annoncé qu’il pourrait durer jusqu’à deux heures. Difficile pour autant d’en tirer pour l’instant un enseignement : « ça s’est bien passé », s’est d’ailleurs réjoui Donald Trump. Les deux hommes devaient ensuite être rejoints par leurs délégations respectives pour des discussions élargies consacrées à la dénucléarisation de la Corée du Nord et à la fin des hostilités entre les deux Corées.

Si on ne dispose pas de beaucoup d’information sur les négociateurs nord-coréens compte tenu de l’opacité propre au régime de Pyongyang, l’équipe américaine est en revanche mieux identifiée. Elle est dirigée par le secrétaire d’Etat Mike Pompeo qui peut s’appuyer sur sa brève expérience de directeur de la CIA, l’agence ayant manifestement maintenu un canal de communication avec la Corée du Nord en dépit de l’état de belligérance qui prévaut entre Pyongyang et Washington.

La pièce maîtresse de l’équipe américaine est d’ailleurs un ancien agent de la CIA, Andrew Kim. Né en Corée du Sud, ancien chef de station de l’agence de renseignement à Séoul, M. Kim est sorti de sa retraite à la demande de l’administration pour faire jouer ses contacts. Il a accompagné Mike Pompeo à Pyongyang, en mai, à l’occasion de la seconde rencontre de ce dernier avec Kim Jong-un. Une photo diffusée par le régime l’a montré aux côtés du secrétaire d’Etat puis du bras droit de son hôte, Kim Yong-chol, qui a été, lui, reçu à la Maison Blanche le 1er juin.

Faute de pouvoir s’appuyer à Séoul sur un ambassadeur, le poste étant toujours vacant, tout comme celui de conseiller spécial du département d’Etat pour la Corée du Nord, un ancien représentant des Etats-Unis en Corée du Sud, Sung Kim, aujourd’hui en poste aux Philippines, renforce l’équipe des Etats-Unis. Si le conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, un « faucon » détesté par Pyongyang, est pour l’instant en retrait, une spécialiste de la Corée du Nord, Allison Hooker, qui a rejoint le conseil en 2014, pendant le second mandat de Barack Obama, fait également partie du premier cercle.

Un ancien du département d’Etat sous l’administration de George W. Bush, aujourd’hui adjoint du secrétaire à la défense, secrétaire adjoint pour l’Asie et le Pacifique au Pentagone, Randall Schriver, a également appuyé Mike Pompeo au cours des dernières semaines.

Promesses non tenues

MM. Trump et Kim doivent ensuite participer à un déjeuner de travail dans l’hôtel de luxe de l’île de Sentosa, qui devrait se conclure par une conférence de presse du locataire de la Maison Blanche. Kim Jong-un ne devrait pas y participer. Les deux dirigeants ont prévu de quitter la cité-Etat dans la journée. Donald Trump devait repartir initialement de Singapour mercredi matin, mais il s’est manifestement calé sur Kim Jong-un qui rentre à Pyongyang dès aujourd’hui.

Mike Pompeo, la cheville ouvrière du sommet côté américain, va se rendre pour sa part en fin de journée à Séoul, pour informer ses homologues sud-coréen et japonais du contenu des discussions, avant de faire de même à Pékin.

« Nous allons tous savoir rapidement si un véritable accord, pas comme ceux du passé, peut intervenir », a lancé sur Twitter avant le début de la rencontre Donald Trump, qui a pris de grands risques en faisant le pari, à la surprise générale, qu’un sommet avec Kim Jong-un le pousserait à renoncer à son arsenal nucléaire.

Analystes et historiens jugent qu’il existe une ouverture mais rappellent à l’unisson que le régime de Pyongyang est passé maître dans l’art des promesses non tenues. En 1994 puis en 2005, des accords avaient été conclus mais aucun d’entre eux n’a jamais été réellement appliqué. Le chef de la diplomatie américaine assure pourtant que la situation est, cette fois, profondément différente. Et que la rencontre portera ses fruits. « Il y a seulement deux hommes qui peuvent prendre des décisions d’une telle importance. Ces deux hommes seront assis dans la même pièce », a-t-il affirmé à la veille de ce rendez-vous crucial.