Le drapeau sud-coréen et le drapeau des Etats-Unis à Yongin, en Corée du Sud, en août 2016. / HANDOUT / REUTERS

L’annonce par le président des Etats-Unis Donald Trump de son intention de supprimer les exercices militaires organisés par l’armée américaine avec les troupes sud-coréennes a pris de court toute la région, à commencer par les premiers intéressés. Le siège des Forces armées américaines en Corée (USFK) a dit à l’agence Yonhap « ne pas avoir reçu de nouvelles lignes directrices sur l’exécution ou la cessation des exercices d’entraînement », dont le prochain exercice Ulchi Gardien de la Liberté, prévu cet automne.

Si cet engagement se concrétise, M. Trump aura cédé sur l’une des principales demandes de Pyongyang, sans obtenir de contrepartie concrète. La République populaire démocratique de Corée (RPDC) considère ces manœuvres comme la répétition d’une possible invasion des Etats-Unis pour faire tomber le régime.

Le locataire de la Maison Blanche n’a semble-t-il pas non plus jugé nécessaire de prévenir le gouvernement sud-coréen des concessions qu’il s’apprêtait à faire. « Au point actuel, il faut discerner le sens exact et l’intention des commentaires du président Trump », a réagi dans la précipitation le ministère de la défense sud-coréen et ce alors que M. Trump avait échangé la veille par téléphone avec le président sud-coréen, Moon Jae-in.

L’argument financier

Donald Trump n’a pas caché son sentiment sur ces exercices, en rupture avec les éléments de langage habituels américains qui les présentent comme de nature défensive, routiniers, et nécessaires pour maintenir un niveau de préparation suffisant entre les deux alliés dans une zone de tensions. Le milliardaire a balayé tout cela pour les qualifier de « très provocateurs ». « C’est vraiment quelque chose qu’ils [les Nord-Coréens] ont beaucoup apprécié » s’est-il justifié. « Dans les circonstances qui sont que nous négocions un accord très complet je pense qu’il est inapproprié d’avoir des jeux de guerre » a-t-il lancé en conférence de presse à l’issue de sa rencontre historique avec le dictateur.

Le président américain a surtout utilisé l’argument financier. « Nous économiserons une somme d’argent considérable » a-t-il ajouté, liant ainsi cette concession à un sujet qui lui est cher : réduire la voilure du coût des alliances des Etats-Unis. « Ces jeux de guerre sont très chers, nous avons payé pour une majeure partie, nous envoyons des bombardiers de Guam », a constaté l’ex homme d’affaires, qui a dit avoir découvert récemment que les avions américains font six heures de vol pour se rendre sur ces entraînements.

Les moyens déployés illustrent la capacité de projection inégalée des Etats-Unis : leurs B-52 qui peuvent être chargés d’armes nucléaires, leurs avions furtifs ou encore leurs porte-avions. En août 2017, les exercices avaient duré onze jours et impliqué 17 500 soldats américains et 50 000 Sud-Coréens.

Solution « gel pour gel »

La Corée du Sud et les Etats-Unis avaient accepté en début d’année de décaler d’un mois une autre série d’exercices, prévus entre les Jeux olympiques et paralympiques de Pyeongchang, pour ne pas risquer une escalade durant les festivités. Il avait fallu pour cela que la « Maison bleue », la présidence sud-coréenne insiste auprès de Washington, qui était encore à l’heure de la « pression maximale » sur Pyongyang.

Le 4 juin, en marge du dialogue de Shangri-La, forum des hauts responsables de la défense de la région Asie-Pacifique, le ministre de la défense sud-coréen Song Young-moo et son homologue américain, James Mattis, se seraient entendus pour limiter la communication autour des exercices futurs en cette phase de détente. Il s’agissait alors de faire « profil bas » pour ne pas donner à la Corée du Nord de raison de monter au créneau. Mais Séoul insistait sur le fait qu’ils étaient maintenus, même si certains conseillers du président progressiste Moon Jae-in, partisan de l’apaisement, considéraient de longue date qu’il serait préférable de réduire leur échelle.

Washington cède aussi à l’une des principales demandes de la Chine, qui propose de longue date une solution « gel pour gel » des essais balistiques et nucléaires nord-coréens et des exercices américano-sud-coréens, que refusaient jusqu’à présent les Etats-Unis, considérant légitimes leurs opérations avec le Sud. Pékin voyait en ces manœuvres une source de tension et une marque de l’omniprésence de la première puissance mondiale à sa périphérie et ne s’attendait certainement pas à ce que le président des Etats-Unis y renonce à sa première rencontre avec Kim Jong-un.