Images à bord de l’« Aquarius », où 629 migrants patientent toujours
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Jean-Guy Talamoni se défend du moindre coup de com. Mais en proposant, lundi 11 juin, d’accueillir les 629 migrants de l’Aquarius dans un port insulaire, le président indépendantiste de l’assemblée de Corse a fait d’une pierre, deux coups. D’abord, battre en brèche les critiques récurrentes de xénophobie à l’encontre de son courant d’idées. Ensuite, montrer un visage humaniste contrastant singulièrement avec la fermeté affichée par le gouvernement sur la question des migrants – et son quasi-silence, dans le cas de l’Aquarius, depuis que le gouvernement italien n’a pas autorisé le navire de l’ONG SOS Méditerranée à toucher ses côtes.

« Compte tenu de la localisation du navire et de l’urgence, mon avis est qu’il serait naturel d’ouvrir un port corse pour porter secours à ces personnes en détresse », a écrit sur son compte Twitter, le président de l’assemblée de Corse. Et qu’importe, selon lui, si la Collectivité insulaire n’exerce aucune prérogative régalienne en la matière. « Nous ne sommes dans le domaine juridique mais dans celui de la morale, explique l’élu. Je ne suis pas dans le calcul politique, je n’ai pratiquement pas consulté ni voulu placer le gouvernement en porte-à-faux car je sais qu’il s’agit de questions très délicates. Je n’avais d’autre impératif que celui de sauver des vies si le problème s’était posé. La question est réglée, le navire accostera en Espagne, il n’y a plus de sujet. »

Structures d’accueil inexistantes

Lundi, Gilles Simeoni, président du conseil exécutif, le mini-gouvernement de l’île, a lui aussi évoqué la possibilité d’accueillir l’Aquarius tandis que les opposants à la majorité nationaliste de l’assemblée de Corse ont dénoncé « l’irréalisme » du geste des deux présidents. « La Corse ne dispose ni des moyens ni des prérogatives pour accueillir sur son sol des centaines de migrants (…) secourir oui, accueillir non ! », a ainsi déclaré Jean-Martin Mondoloni, leader du groupe d’opposition de la droite régionaliste.

Jean-Charles Orsucci, conseiller La République en marche à l’assemblée de Corse s’est en revanche montré favorable « à l’accueil des migrants si le besoin s’en était fait sentir, au nom des valeurs de solidarité et d’humanisme ». En 2010, à peine élu maire de Bonifacio (Corse-du-Sud), ce dernier avait d’ailleurs affronté une mini-crise migratoire avec la découverte, sur une place de sa commune, de 57 hommes, 29 femmes et 38 enfants d’origine kurde échoués sur les rivages insulaires après un périple en Méditerranée.

Alors que les structures d’accueil sont inexistantes en Corse, une région exclue du plan de redéploiement qui a suivi le démantèlement de la « jungle » de Calais, et que l’hypothèse d’un déroutement de l’Aquarius vers l’île demeurait peu probable, les observateurs locaux notent le « coup politique » des nationalistes corses. « Il y avait peu de chances que la proposition aboutisse et si cela avait été le cas, le gouvernement aurait été bien embêté, euphémise une source à la préfecture de Corse. Les nationalistes corses accueillants contre le méchant Etat français sourd à la misère des migrants : c’est rondement mené. »