Documentaire sur Arte Radio à la demande

Wilfried venait d'acheter une maison et rêvait d'ouvrir une chicha. Il a été abattu le 17 mars 2016 dans un bar-tabac de Goussainville. / ARTE RADIO

Wilfried ne pensait pas vieillir dans son quartier. Il venait d’acheter un pavillon à Goussainville, situé non loin de la cité de son enfance, à Villiers-le-Bel (Val-d’Oise). Et ne rêvait que d’une chose : ouvrir un bar à chicha.

Il y a une quinzaine d’années, cet ancien voyou a rencontré Isabelle Coutant, alors étudiante en sociologie. Pour elle, il avait accepté de parler de la cité, de ses codes, de la violence et du trafic de drogue. A la suite des attentats de 2015, Isabelle Coutant, devenue sociologue, s’est mise en tête de retrouver Wilfried et de demander au journaliste Mehdi Ahoudigd’enregistrer leurs échanges.

Elle désirait comprendre pourquoi la banlieue est autant stigmatisée. Pendant un an, elle a recueilli les mots lucides et poétiques de cet homme de 35 ans devenu père de famille.

Oublié le temps des petits deals, Wilfried est passé à autre chose et pense à travailler dur pour payer de bonnes écoles à ses deux filles. « Il faut pas dormir, le temps n’attend pas », lance-t-il.

« Beaucoup de jaloux »

Malgré toutes les difficultés qu’il a dû affronter, il aime son « ghetto ». Pour lui, c’est la « rue qu’il faut changer », car c’est elle qui tire vers le bas une partie de la jeunesse des cités. Il estime que les parents ont aussi une part de responsabilité, même si « ce n’est pas le père qui dit : “Tiens, mon fils, va voler ça.” »

Bien qu’il ait cessé tout trafic, il raconte de manière assez énigmatique qu’il y a, autour de lui, « beaucoup de jaloux » et que, dans la cité, il existe encore pas mal de contentieux entre lui et d’autres personnes. « Tout n’est pas réglé… Quand j’aurai pris ma retraite dans le ghetto, je vous dirai tout, tout, tout… », assure-t-il. Mais Wilfried n’en a pas eu le temps.

Un jour, il n’a plus répondu aux appels d’Isabelle Coutant et de Mehdi Ahoudig. Tous deux se sont inquiétés de ce silence avant d’apprendre que, le 17 mars 2016, Wilfried a été abattu de plusieurs balles, dans un bar de Goussainville.

L’assassin n’a toujours pas été identifié, et sa famille veut comprendre les raisons de sa mort. En nous transportant au cœur d’une cité, ce documentaire sonore dresse le portrait posthume et poignant d’un de ses habitants.

Wilfried, d’Isabelle Coutant et Mehdi Ahoudig (Fr., 2018, 47 min). Sur Arteradio.com.