Les apparences sont sauves mais l’unité ne tient plus qu’à un fil. Mercredi 13 juin, les quatre syndicats représentatifs à la SNCF (CGT, UNSA, SUD et CFDT), réunis en intersyndicale, ont confirmé leur volonté de poursuivre la grève contre la réforme ferroviaire et appelé à se mobiliser « massivement » le 28 juin, dernier jour du calendrier des grèves, a déclaré Laurent Brun le secrétaire général de la CGT-Cheminots. « Les organisations syndicales ont analysé l’état du rapport de force qui démontre que les cheminots sont toujours hostiles à la réforme », a-t-il ajouté. Le front uni inédit que les représentants des salariés SNCF opposent, malgré leurs vieilles querelles, au gouvernement depuis maintenant trois mois tient donc toujours.

En réalité, cette union commence à ressembler à une façade en train de se lézarder. L’UNSA-Ferroviaire et la CFDT-Cheminots, les deux centrales dites réformistes, sont à couteaux tirés, et les désaccords de SUD-Rail avec les autres organisations demeurent criants.

« C’est vrai que le communiqué unitaire a été difficile à écrire, mais l’intersyndicale est toujours là », affirme Erik Meyer, secrétaire fédéral de SUD-Rail. La réunion de l’intersyndicale a quand même été interrompue par un envahissement de plusieurs dizaines de cheminots affiliés à SUD venus faire pression pour que la grève continue. Drôle d’ambiance.

Grosse colère de l’UNSA

Le contexte pèse, il est vrai, sur les nerfs des syndicalistes et des grévistes en général. L’Assemblée nationale a entériné ce même 13 juin, par une large majorité (de 452 voix sur 577 députés), le texte définitif du nouveau pacte ferroviaire, lors d’un vote solennel en séance. Au même moment, la trentième journée de grève du mouvement en pointillé se soldait par le plus petit taux de grévistes recensés par la direction depuis le 3 avril : 12,78 %.

La question de savoir s’il fallait faire grève pendant les épreuves du baccalauréat a ajouté un peu de piment sur les rancœurs. L’épisode a constitué l’occasion d’une grosse colère des représentants de l’UNSA contre leurs collègues de la CFDT, accusés de véhiculer un double discours. Ces derniers ont, en effet, annoncé, mardi 12 juin, qu’ils arrêteraient mouvement les 18 et 24 juin, deux jours où les arrêts de travail coïncident avec des épreuves du bac.

« Ils reprennent unilatéralement une proposition que nous avions mise sur la table de l’intersyndicale la semaine dernière et qu’ils avaient eux-mêmes rejetée. Ce ne sont pas des méthodes », s’étrangle un négociateur de l’UNSA-Ferroviaire. En attendant, la grève ne sera pas mise entre parenthèses par l’intersyndicale la semaine du bac (la CGT et SUD y sont hostiles). Mais comme la CFDT confirme son retrait pendant le bac et que ce syndicat est très représenté chez les conducteurs, les circulations devraient être encore moins perturbées que ces jours derniers.

Réunion tripartite « primordiale »

Au-delà de cet épisode, quelle suite donner au mouvement ? La loi étant définitivement votée jeudi 14 juin par le Sénat, la « bataille du rail » bascule dans une nouvelle phase qui commence vendredi 15 juin par une réunion dite tripartite (Etat, patronat, syndicats), véritable coup d’envoi des négociations sur la future convention collective du ferroviaire. « La réunion sera primordiale dans la suite du mouvement, estime Roger Dillenseger, secrétaire général de l’UNSA. Il faut qu’on sorte avec une note d’intention du ministère des transports sur une volonté de créer une convention collective attractive et de haut niveau. »

La grève par intermittence se termine jeudi 28 juin. Au-delà on entre dans l’inconnu.

Du côté de SUD-Rail, on ne cache pas son intention de faire déborder la grève sur le mois de juillet. La CGT étudierait, elle aussi, un scénario de grève d’été. Les discussions entre syndicalistes devraient se compliquer du coup encore davantage : CGT et SUD risquant de n’être pas d’accord sur la méthode, et l’UNSA et la CFDT refusant le principe. Malgré les risques encourus par ceux qui sortiront les premiers de l’unité syndicale (des élections professionnelles auront lieu en novembre), l’approche des vacances pourrait signer la fin du front unitaire.