« L’Insoutenable Gravité de l’Univers », de Gabriel Chardin (Le Pommier, 465 p., 25 €). / DR

Enfin ! Deux des grands mystères de l’Univers viennent d’être résolus ! Pourquoi les étoiles en périphérie de galaxies vont-elles plus vite que prévu ? Et pourquoi l’expansion de l’Univers accélère-t-elle ? Le lecteur curieux de physique devrait s’étonner de la nouveauté, puisqu’il sait que ces deux questions ont déjà des réponses : matière noire pour la première et énergie noire pour la seconde. Sauf que la nature de ces deux concepts reste inconnue. En fait, 95 % de l’Univers échappe à nos connaissances.

Le physicien Gabriel Chardin n’ignore pas ce constat et a même participé à des expériences pour lever le voile sur la matière noire. Mais en même temps, il échafaude depuis une trentaine d’années une théorie pour se passer ni plus ni moins de ces deux idées noires.

Longue description de la physique contemporaine

C’est ce qu’il présente dans son livre (et bien sûr aussi dans des articles de recherche). Mais comme il ne peut remettre en cause sans justification des années de développements, d’hypothèses, de modèles… son texte est d’abord une longue description de la physique contemporaine. Au menu, relativité restreinte et générale, trous noirs, trous de vers, théories des cordes (ou des membranes), gravité quantique à boucles, notions de thermodynamique, de théorie de l’information… C’est donc touffu et pas toujours neuf, mais c’est évidemment utile pour aborder la suite.

Gabriel Chardin n’aligne pas ces concepts et théories pour seulement informer le lecteur. Il oriente cette lecture pour lui faire avaler quelque chose d’inattendu et de contre-intuitif. Sa solution sans matière ni énergie noires repose en effet sur un concept étrange : de l’antimatière de masse négative qui antigravite.

Et l’auteur, fouillant dans des articles parfois anciens ou d’autres récents mais marginaux, montre que cette idée baroque fait son chemin chez les physiciens. Elle ne viole évidemment pas les grands principes actuels, comme la conservation de l’énergie ou le principe d’équivalence entre masse gravitationnelle et masse inertielle. Elle serait même déjà « admise » dans certains recoins de la physique du solide.

Oui ou non l’antimatière antigravite-t-elle ?

Cet Univers, dit « de Dirac-Milne », possède autant de matière que d’antimatière, autant de masse négative que positive. Sa description n’occupe que 70 pages sur 465. Et encore l’auteur ne propose-t-il que ce qui est absolument nécessaire pour progresser en physique : des tests expérimentaux.

La valeur de l’âge de l’Univers a l’air de coller avec cette ­hypothèse. Tout comme la quantité d’hélium et de lithium présente dans l’Univers. Mais le test ultime sera de savoir si oui ou non l’antimatière antigravite. Des expériences pas simples mais qui ont déjà commencé dans trois groupes au CERN, près de Genève (Suisse).

Malgré la qualité de vulgarisation et le plaisir à découvrir des idées stimulantes, ne ­cachons pas que certains passages sont plutôt durs à avaler et à digérer. Mais l’ouvrage mérite de se creuser un peu la tête, pour au moins savoir dans quel drôle de monde nous vivons peut-être.

« L’Insoutenable Gravité de l’Univers », de Gabriel Chardin (Le Pommier, 465 p., 25 €).