La Ville de Paris cherche à sortir de leur isolement les seniors du logement social, en leur proposant d’héberger un jeune en mal de logement, dans l’une de leur pièce inoccupée. / Joséphine Brueder / Mairie de Paris

Il en faut de la patience à Matene Ouattara. Cette étudiante en master de droit est membre de VoisinMalin, une association qui développe des liens de proximité dans les quartiers populaires en allant à la rencontre de leurs habitants pour les informer sur des services, leur faire prendre conscience de leurs droits ou encore les former par exemple à des écogestes. En cet après-midi gris de juin, elle est en mission de porte à porte chez des seniors pour leur proposer d’héberger un jeune en mal de logement et ainsi ne plus rester seuls chez eux. Mais ce n’est pas un jour faste. Beaucoup de personnes âgées, dont le nom et l’adresse lui ont été communiqués par le bailleur Paris Habitat, ne sont manifestement pas présentes chez elles. Ou peut-être n’entendent-elles pas la sonnette, voire ne souhaitent tout simplement pas lui ouvrir ? D’autres, à peine a-t-elle le temps de se présenter, lui indiquent tout de go qu’elles ne sont pas intéressées.

Au final, sur cette demi-journée, Matene Ouattara aura quand même réussi à expliquer l’idée de la cohabitation intergénérationnelle à deux personnes qui ont bien voulu entrouvrir leur porte et l’écouter : un homme qui a toutefois décliné l’offre, expliquant qu’il voulait garder sa chambre disponible pour ses petits-enfants, et une femme qui lui a dit qu’elle souhaitait d’abord en parler à sa fille. Mais Matene, qui propose dans ces cas-là de repasser quelques jours plus tard, garde confiance. Elle a eu plus de succès lors des premières fois où elle a pris son bâton de pèlerin pour faire connaître le dispositif « Un toit en partage » lancé par la Ville de Paris en mai.

Travail de dentelle

Lutter contre l’isolement des seniors, leur donner la possibilité de bien vieillir chez eux, tout en prenant en compte la sous-occupation dans le parc social, et permettre aux jeunes de trouver un logement : tels sont les objectifs poursuivis par la mairie de Paris à travers ce dispositif. « Nombre de personnes âgées de 65 ans vivent seules dans un logement qu’elles n’occupent qu’en partie, tandis que les jeunes rencontrent des difficultés pour se loger, explique Galla Bridier, adjointe de la maire de Paris en charge des seniors. Aujourd’hui, il existe dans Paris quelque 300 binômes senior- jeune, qui se sont constitués de façon privée. Développer ce type de rapprochement nécessite de lever les freins, les réticences des seniors. Et cela suppose un travail de dentelle, insiste-elle. D’où l’idée de faire des campagnes de porte à porte pour les mettre en confiance et les convaincre. »

Une nécessité que ne dément pas Matene Ouattara. « Beaucoup sont sensibles aux problèmes que rencontrent les jeunes, notamment pour trouver un logement. Et posent plein de questions sur le dispositif », raconte-t-elle, pour avoir malgré tout été plusieurs fois reçue durant une bonne demi-heure chez celles et ceux qu’elle démarchait.

Bon sens

Pour mettre en place ce dispositif, la Ville de Paris s’est associée avec deux des trois bailleurs sociaux de la capitale, Paris Habitat et Elogie-Siemp (le troisième, la Régie immobilière de la Ville de Paris [RIVP], devant s’y joindre à terme) et quatre associations : VoisinMalin et Unis-Cité se chargent du porte à porte pour sensibiliser les seniors et les inciter à s’intéresser à cette possibilité d’accueillir un jeune ; ensuite, les personnes âgées qui se disent prêtes à une cohabitation sont mises entre les mains de Pari Solidaire ou de Ensemble 2 Générations, deux associations pionnières dans le logement intergénérationnel. L’un ou l’autre de ces acteurs va les aider à trouver le jeune bienveillant au profil qu’elles souhaitent. Et les accompagnera durant toute la cohabitation. « Le senior et le jeune signent une convention et nous sommes leur référent à l’un comme à l’autre, s’ils se posent des questions ou rencontrent des difficultés », explique Nabila Coste, directrice de Pari Solidaire. Le jeune hébergé doit s’acquitter d’une participation aux charges courantes à raison de 150 euros mensuels et s’engager à rendre des petits services, mais l’essentiel est que le senior soit en pleine confiance avec lui. Et pour cela, « il a besoin d’être rassuré, insiste Nabila Coste. Nous cherchons ainsi à le sécuriser au maximum ».

La mairie de Paris a lancé dans un premier temps avec les bailleurs une campagne de porte à porte dans le 19e et le 13e arrondissement avant de l’étendre à toute la capitale. Son objectif est que, dès la rentrée universitaire prochaine, des binômes puissent se constituer. « Le fait que ce dispositif soit validé par le bailleur et qu’il soit porté par la mairie de Paris sont des gages de garantie, analyse Nabila Coste. La cohabitation intergénérationnelle relève du bon sens et ne demande qu’à être déployée. Il faut que cela fasse boule de neige. » D’autant, insiste Violette Baranda, adjointe au maire du 19e arrondissement en charge des seniors et de l’intergénérationnel, que « la présence d’un jeune redynamise le senior, recule sa perte d’autonomie ».

« Le Monde » organise vendredi 15 juin de 8 h 30 à 10 h 30 un événement sur la place des seniors dans les « villes intelligentes ».

Cette conférence aura lieu dans l’auditorium du journal, à Paris (13e). Galla Bridier, adjointe à la maire de Paris en charge des seniors, interviendra.

Inscription et programme ici (gratuit)