La tombe de la « petite martyre de l’A10 », le 24 septembre 2012. / ALAIN JOCARD / AFP

C’est un rebondissement inattendu dans un dossier qui faisait figure de cold case depuis plus de trente ans. Les parents d’une petite fille âgée de 3 ans retrouvée mutilée dans un fossé de l’autoroute 10 (A10), près de Blois, en août 1987, ont été placés en garde à vue à Orléans, ont révélé des sources proches du dossier, jeudi 14 juin. Ils pourraient être présentés à un juge du tribunal de grande instance de Blois en vue de leur mise en examen dans la journée.

Trente ans après cette découverte, les parents de l’enfant ont été interpellés, le 12 juin, dans l’Aisne et en Seine-Saint-Denis. Désormais âgés d’une soixantaine d’années, ils ont été placés en garde à vue pour meurtre, recel de cadavre et violences habituelles sur mineur de moins de 15 ans. Les enquêteurs restent prudents sur les suites de l’enquête, mais cet épisode pourrait constituer dans tous les cas une étape importante pour lever le voile sur les circonstances du décès de la fillette.

Le frère de la fillette interpellé en 2017

C’est essentiellement à partir d’un travail sur l’ADN de l’enfant que les gendarmes, chargés du dossier, ont remonté le fil jusqu’aux parents, selon nos informations. En août 1987, la fillette avait en effet été découverte habillée, recouverte d’une couverture. Tous ces éléments matériels avaient été placés sous scellés. Les progrès techniques sur le séquençage de l’ADN ont fait le reste.

En 2008, l’ADN de l’enfant a pu être formellement identifié, et par la même occasion, celui de ses parents. A l’époque, aucune identité ne peut être adossée à ces ADN, mais tous sont enregistrés dans la base du Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg).

L’affaire rebondit avec l’interpellation d’un frère de la fillette dans le cadre d’une affaire de violences, à Villers-Cotterêts (Aisne), en 2016. On ne sait alors pas encore que ce jeune homme devenu majeur est le frère de la petite victime, mais son ADN est prélevé comme le veut la procédure, et lui aussi versé au Fnaeg, détaille une source proche du dossier. C’est à ce moment-là que peut enfin être accolé un nom de famille à l’enfant et de nouveaux fils sont tirés pour remonter jusqu’aux parents présumés.

Or en passant au crible les fichiers des allocations familiales, les enquêteurs réalisent que ces derniers, parents initialement de sept enfants, n’en déclarent plus que six après la mort de la fillette. Et ce, alors qu’aucun signalement pour disparition d’enfant n’a été fait de leur côté, précise la même source. Un point sensible sur lequel ils sont actuellement interrogés.

« Un cas d’anthropophagie »

Après la découverte du corps en 1987, les expertises avaient révélé que le corps de l’enfant portait des traces de brûlures dues à un fer à repasser et que les cicatrices et les plaies de morsures humaines avaient été provoquées par une petite mâchoire qui pouvait être celle d’une femme. Le juge d’instruction de Blois, chargé à l’époque du dossier, avait précisé qu’il s’agissait « pratiquement d’un cas d’anthropophagie avec prélèvement de chair ».

La gendarmerie avait, à cette occasion, lancé la plus grande diffusion judiciaire jamais entreprise en France. Près de 65 000 écoles avaient été visitées à la rentrée scolaire, et 6 000 médecins ou assistantes maternelles avaient été rencontrés pour essayer de donner un nom à cette jeune victime. Le signalement de la fillette avait été diffusé dans plus de 30 pays et sa photographie placardée dans tous les endroits publics. Elle mesurait 95 centimètres, avait les cheveux bruns bouclés et les yeux marron foncé.

En 1997, le procureur de l’époque, Etienne Daures, avait « bon espoir de pouvoir donner un nom » à cette fillette enterrée anonymement au cimetière de Suèvres (Loir-et-Cher) proche des lieux de la découverte du corps. La tombe de la fillette était régulièrement fleurie par les habitants de la commune où elle repose. Sur le monument funéraire est gravée une simple phrase : « Ici repose un ange ».