Mercredi 13 juin 2018, le docteur Guillaume Canaud pose à l’hôpital Necker au côté d’Emmanuel, premier patient à avoir bénéficié du traitement présenté par les chercheurs français. / ALAIN JOCARD / AFP

C’est un traitement qui pourrait devenir un remède pour des milliers de personnes. Des chercheurs français, qui ont publié une étude dans la revue scientifique Nature mercredi 13 juin, ont montré qu’un comprimé par jour, contenant une molécule simple, se révèle efficace contre le syndrome de Cloves (acronyme anglais désignant des excroissances congénitales lipomateuses, des malformations vasculaires et des nævi épidermiques). Cette maladie génétique rare provoque une croissance anarchique de certaines parties du corps.

Les recherches ont commencé après que des généticiens américains ont découvert en 2012 la mutation responsable de ce syndrome, sur un gène appelé PIK3CA. Guillaume Canaud, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et à l’université Paris-Descartes, fait alors partie des médecins en quête d’un traitement.

Le « patient 1 »

« Je me disais qu’il y avait peut-être un médicament qui bloque les effets de la mutation de PIK3CA », a-t-il raconté à la presse. Ce néphrologue (médecin du rein) a repéré plusieurs médicaments en phase d’essai. Le plus avancé, parmi les « inhibiteurs spécifiques » du gène, était le BYL719, du laboratoire suisse Novartis.

Emmanuel, ingénieur aéronautique de 29 ans, a été le premier – « patient 1 » – à bénéficier de ce traitement. Le syndrome de Cloves se manifestait chez lui par une hypertrophie de la jambe gauche, une scoliose, et des malformations des vaisseaux qui l’avaient laissé paraplégique, en abîmant sa moelle épinière.

En décembre 2015, l’Agence française du médicament (ANSM) donne son autorisation pour traiter Emmanuel avec ce médicament non approuvé, dont elle ne sait pas grand-chose, à l’hôpital Necker (Assistance publique-Hôpitaux de Paris). C’est une autorisation exceptionnelle, parce que ce patient n’avait plus d’autre choix : son état avait tellement empiré, avec un cœur comprimé par une tumeur non cancéreuse, qu’il ne pouvait plus subir d’opération et qu’on ne lui laissait que quelques mois à vivre.

« Très vite, on a vu que ça fonctionnait, relate le docteur Canaud. Il nous a dit ce que tous les autres patients nous ont dit : qu’il ressentait beaucoup moins de douleurs, qu’il se passait quelque chose. »

Un millier de patients potentiels en France

Les photos prises par le médecin montrent des transformations spectaculaires. Des corps martyrisés par des masses vasculaires et des excroissances (pieds ou bras enflés, bosses énormes, etc.) ont repris une forme plus saine. Ils sont aujourd’hui 19 patients à suivre ce traitement. La plus jeune a 4 ans.

Le traitement présente deux gros avantages : il est très simple (un comprimé le matin) et sans effet secondaire notable, pour l’instant. Le dosage décidé assez arbitrairement, 250 mg par jour pour un adulte, s’est montré adapté jusqu’ici.

L’hôpital Necker attend un afflux de patients réclamant le même traitement. Il a prévu sur son site Internet un formulaire pour permettre aux patients de renseigner leur cas, et d’être contactés pour rejoindre ce qui n’est, pour l’instant, qu’un protocole expérimental.

D’après le docteur Canaud, « on peut estimer qu’il y a un millier de patients en France, mais sûrement plus que ça en réalité, car il y a un sous-diagnostic ». Selon lui, quelque 3 000 personnes, qui ne bénéficient pas de ce traitement, ont été diagnostiquées aux Etats-Unis.