Vérification sur smartphone des dernières consignes en vigueur relatives aux interactions avec les touristes étrangers. / MARTIN BERNETTI / AFP

Les supporteurs argentins, arrivés tout frétillants avec leur guide de séduction des femmes russes, vont être déçus. Leurs beaux efforts pour « être propres, sentir bon et être bien habillés » (sic) pourraient bien être ruinés par les conseils adressés aux dites femmes, mercredi 13 juin, par la députée Tamara Pletneva. Au micro de la radio Govorit Moskva, Mme Pletneva, qui est aussi la présidente du comité de la Douma (le Parlement) à la famille, aux femmes et aux enfants, a tenté de décourager les Russes qui seraient tentées par le charme exotique des visiteurs étrangers.

Argument principal : de telles relations conduisent à la naissance d’enfants dans des familles « incomplètes ». Autrement dit, une fois son équipe sortie en huitièmes, le bellâtre australien reprend son avion pour Canberra et vogue la galère sibérienne… « Même si de tels couples se marient, que l’homme emmène la femme, celle-ci ne sait ensuite pas comment partir de là pour revenir au pays », argumente encore la députée, qui explique recevoir de nombreuses visites de la sorte dans son comité : « Des jeunes filles qui pleurent, qui se plaignent qu’on leur a enlevé leurs enfants, etc. »

A l’appui de sa démonstration, Mme Pletneva, qui émarge au Parti communiste de la Fédération de Russie, évoque le précédent des Jeux olympiques de Moscou en 1980. « Les enfants nés de telles unions souffrent, et souffraient déjà du temps de l’Union soviétique. Si les parents sont d’une même race, ça va encore, mais s’ils sont d’une race différente, alors là… »

Professionnels jusqu’au bout du stylo, nous avons tenté de connaître l’impact de ces déclarations fracassantes sur l’humeur de la compétition. Notre rencontre avec un groupe de supporteurs de « race » péruvienne (faut-il préciser que c’est de l’humour ?) nous a appris que :

– oui, ils trouvaient les femmes russes très jolies.

– votre serviteur ne parlant pas espagnol et les fiers Andins ne parlant pas d’autre langue, notre discussion sur l’amour et le sens de la vie s’est rapidement retrouvé dans une impasse.

Plus sérieusement, ce que nous savons déjà, en revanche, c’est qu’il ne faut pas grimper aux rideaux – à défaut du septième ciel – à la moindre sortie rétrograde émanant d’un ou d’une députée russe. La députée Pletneva s’était déjà illustrée quand l’un de ses collègues, Leonid Sloutski, s’était vu accuser de harcèlement par plusieurs journalistes ; l’élue avait rejeté la faute sur les journalistes et, évidemment, leur façon de s’habiller.

Le Parlement russe n’a aucun pouvoir : il a été vidé de sa substance par Vladimir Poutine pour devenir une simple chambre d’enregistrement. La seule façon pour ses élus d’exister est de choisir un créneau et de le jouer à fond dans les médias, avec l’ambition de complaire au pouvoir. Le créneau ultraconservateur est évidemment porteur, mais la société russe est plus ouverte et tolérante que ces quelques élus.

-----

Post-scriptum : Tamara Pletneva est en passe d’être détrônée par son collègue de la commission de la défense, Aleksandr Cherin, qui dépasse à une vitesse fulgurante le « mur du çon », pour reprendre une rubrique chère à nos amis du Canard enchaîné. Celui-ci a mis en garde ses concitoyens contre un autre risque, celui des virus apportés par les étrangers. Après quelques considérations sur le danger de partager sa vaisselle ou une cigarette, sans parler des embrassades, M. Cherin note : « Peut-être que l’organisme d’un Européen réagit d’une certaine manière au contact des gens d’autres continents. » Peut-être… Et de conclure, fataliste : « Nous ne pouvons pas conduire des millions de touristes vers des cabines de douches au chlore. Ils viennent en Russie, pas dans un camp de concentration allemand. »

Mesure qui ne serait d’ailleurs pas forcément efficace, reconnaît le député, puisque certains de ces virus seront peut-être propagés « intentionnellement ». « Nous savons ce que nos partenaires occidentaux ont en tête », prévient-il.

Post post scriptum : les propos de Mme Pletneva ayant causé un certain émoi, le Kremlin n’a pas manqué d’y réagir, en la personne de Dmitri Peskov, porte-parole de son état et père d’une jeune jet-setteuse sise à Paris, France. « En ce qui concerne nos femmes russes, elles décideront elles-mêmes », a tranché M. Peskov lors d’une conférence de presse, rappelant, probablement inspiré par les déclarations de nos amis péruviens, que « ce sont les meilleures femmes au monde ».