Paul Pogba, Samuel Umiti et Antoine Griezmann face à l’Australie, samedi 16 juin, à Kazan / FRANCK FIFE / AFP

Kazan (envoyé spécial)

Ce n’était que l’Australie. A savoir une équipe juchée au 36 ème rang du classement FIFA et dépourvue de sélectionneur il y a encore moins de six mois. Pour dire les choses autrement, un adversaire taillé sur mesure pour les Bleus, promis à une entrée en douceur dans ce Mondial russe. Sot qui s’y fie. En guise de zakouski, l’équipe de France a eu plutôt droit à une joute piégeuse, à un bourbier dont elle s’est sortie de justesse (2-1), samedi 16 juin, à Kazan.

Le couperet n’est donc pas passé loin. Et même s’il y a été de son traditionnel « l’essentiel est là » d’après-victoire, Didier Deschamps, la goutte au front, n’a pas fanfaronné. « Ce fut un match compliqué, difficile. Il nous a manqué pas mal de liant, de vitesse dans la transmission, dans les prises de balle. On doit et peut faire mieux, a reconnu le sélectionneur, le sourire crispé, au terme de cette rencontre inaugurale de la poule C. Notre entame de match n’a pas été super. Mais je l’ai déjà dit, l’équipe de France n’avait remporté qu’une seule fois son premier match (3-0 contre le Honduras en 2014) sur les quatre dernières Coupes du monde. »

Le technicien ne se raconte pas d’histoire et n’a pas cherché à en narrer aux journalistes : les Tricolores se sont loupés dans les grandes largeurs à la « Kazan Arena », magnifique écrin construit près de la rivière Kazanka. Sur le onze aligné d’entrée par le sélectionneur, seuls trois joueurs avaient plus de vingt-cinq ans et sept disputaient leur premier match de Coupe du monde. Ce déficit d’expérience et de vécu commun a-t-il été préjudiciable ? « Je ne vais pas donner d’explication comme ça car ça va s’apparenter à des excuses », a balayé Deschamps, à qui la Fédération française de football (FFF) a fixé l’objectif minimal d’atteindre le dernier carré du tournoi.

Mais comment ne peut-on pas voir un fâcheux manque d’expérience dans le geste inexplicable du défenseur central Samuel Umtiti (24 ans), auteur d’une faute de main dans sa surface de réparation ? Une « bévue » qui provoqué le penalty de l’égalisation, transformé finement par le capitaine australien Mile Jedinak (62ème minute). « Vous allez revoir les images. Vous voulez que je vous dise quoi ? Ce type d’erreur arrive, je n’étais pas stressé après-coup », s’est cabré le fautif en zone mixe.

« L’équipe de France ne savait plus quoi faire »

Venu à la rescousse des Socceroos en janvier, le Hollandais Bert Van Marjwik a bien failli réussir son coup. « L’équipe de France ne savait plus quoi faire une bonne partie du match », a ironisé le technicien, finaliste malheureux de la Coupe du monde 2010 avec les Pays-Bas. Bien regroupée, rugueuse, la formation aussie n’a même pas eu à endiguer les vagues adverses. Imprimant un faux rythme, elle s’est contentée de plonger le onze tricolore dans un profond sommeil.

Au rayon des « somnolents » du jour figurent Ousmane Dembélé, 21 ans, dont les jambes de feu n’ont pas permis de déstabiliser le bloc australien, et Corentin Tolisso (23 ans), décevant. Pour s’extraire de la nasse, les Bleus s’en sont remis à leurs remplaçants- Olivier Giroud, Blaise Matuidi et Nabil Fekir ont donné un coup de fouet- et surtout à leurs cadres. Si l’assistance à l’arbitrage vidéo (VAR) a permis à Antoine Griezmann de se faire justice lui-même en ouvrant le score sur penalty (58ème), l’attaquant de l’Atlético Madrid a longtemps sombré lors de cette rencontre cadenassée. Suppléé par Olivier Giroud à la 69ème minute de la partie, « Grizou » s’est même étonné de recevoir le trophée du meilleur joueur du match. Une récompense injustifiée, selon l’intéressé.

Pogba a endossé le costume du patron

Quant à Paul Pogba, critiqué de toutes parts pendant la phase de préparation, il a offert la victoire à ses partenaires d’une improbable frappe lobée (81ème), tout en endossant le costume du patron. « Que ce soit marqué des oreilles, du nez, du pied, tant que ça rentre, c’est bon », a réagi le milieu revenu à une coloration de cheveux plus naturelle.

En zone mixte, le joueur de Manchester United a jonglé entre le français, l’italien, l’anglais et même l’espagnol pour répondre aux journalistes. « Les critiques seront toujours là. Mais cela a toujours été le terrain qui parlait. Et moi, c’est comme si j’étais encore au City Stade de Roissy-en-Brie (où il a grandi et commencé à jouer au football). Je fais le travail et ma seule réponse, c’est le terrain », a déclaré Pogba, petites lunettes au nez.

Capitaine et vétéran (31 ans) des Bleus, Hugo Lloris a été envoyé au front pour faire passer un message aux médias français, déjà très remontés. « Ce premier match, il fallait le gagner, c’est tout, a confié le gardien de Tottenham. Je préfère gagner en jouant mal que l’inverse. On devait rentrer dans cette compétition. Les qualités individuelles, on les a. Mais on ne doit pas se reposer unique dessus. C’est mieux quand tous les joueurs parlent le même football. »

Echaudée par cet avertissement sans frais, l’équipe de France va devoir monter d’un ton lors de sa prochaine sortie, jeudi 21 juin, contre le Pérou, à Iekaterinbourg. Il ne s’agira alors plus de se faire « endormir ». A 17h, ce n’est déjà plus l’heure de la sieste.