Le navire militaire américain « US-Trenton » a pu transférer les 41 rescapés d’un naufrage aux gardes-côtes italiens. / Erik Marquardt / AP

L’exil forcé de l’Aquarius s’est achevé dans le port espagnol de Valence, dimanche 17 juin. Attendus par 2 300 personnes déployées pour l’occasion, dont 400 traducteurs et 350 policiers, les 630 naufragés secourus ont pu désembarquer, loin des ports siciliens où le navire de l’ONG SOS-Méditerranée a ses habitudes depuis plus de deux ans. Mais le sort de ces rescapés, contraints à un difficile voyage de six jours par le refus de Rome de les accueillir sur le sol italien, risque de n’être que le début d’une série de bras de fer diplomatiques.

« Que le navire s’appelle Aquarius ou See-Watch 3 ne change pas grand-chose, nous voulons mettre fin à ce trafic d’êtres humains et s’il y a d’autres navires, d’autres ONG battant pavillon étranger, nous tiendrons le même raisonnement », a prévenu le nouveau ministre de l’intérieur italien, Matteo Salvini.

Des menaces qui n’ont pas découragé les autres ONG présentes en Méditerranée, dont le nombre a déjà drastiquement diminué depuis le durcissement de la politique italienne, à l’été 2017. Trois navires de la société civile – le Sea-Watch 3, le Lifeline et le Seefuchs – continuent de travailler dans la région, s’exposant à des blocages de la part des autorités italiennes.

Transfert des navires ONG aux bateaux des gardes-côtes

Le Sea-Watch 3 a déjà dû s’adapter à la politique du ministre de l’intérieur de la Ligue, parti d’extrême droite. Le navire avait reçu mardi un appel à l’aide du navire militaire américain US-Trenton, qui avait recueilli 41 migrants d’un naufrage ayant fait au moins 12 morts au large de la Libye. Après s’être approché de l’embarcation militaire, le bateau de l’ONG a finalement refusé de prendre à son bord les rescapés, après les menaces de Rome de ne pas les accueillir dans un port italien.

Après avoir attendu pendant cinq jours les consignes italiennes, l’US-Trenton a fini par transférer ses passagers au bateau des gardes-côtes italiens dimanche, le Diciotti, afin que les survivants du naufrage soient débarqués dans un port sicilien. C’est toute la difficulté de la situation actuelle : pour l’heure, le blocage de Rome ne concerne que les bateaux des ONG.

Mercredi matin, le Diciotti italien a ainsi débarqué dans le port sicilien de Catane 932 migrants, dont 200 mineurs. Quelque 800 de ces migrants seront transférés dans d’autres régions italiennes, a précisé la préfecture de police locale.

Parmi ces migrants, 118 avaient également été secourus par l’ONG néerlandaise Mission Lifeline, dès vendredi. Le bateau humanitaire, le Lifeline, avait assuré le transfert des rescapés à un navire marchand battant pavillon turc, le Viking-Amber, qui croisait non loin des côtes libyennes et s’est dérouté pour accueillir les naufragés. Le cargo a ensuite confié ces passagers au navire des gardes-côtes italiens, le Diciotti, avant qu’il se dirige vers la Sicile.

« Ils seront plus nombreux à mourir »

Les conflits immédiats de l’ampleur de celui de l’Aquarius ont donc été pour l’heure évités, mais pour combien de temps ? Si, de son côté, le Sea-Watch 3 a regagné Malte pour escale, les dernières positions connues du Seefuchs et du Lifeline, battant tous deux pavillon néerlandais, les montraient à proximité des côtes libyennes. Samedi, le ministre des transports italiens, Danilo Toninelli, a affirmé sur Twitter que « les Pays-Bas devraient exiger le retour à la maison de ces bateaux ».

En quatre ans, plus de 600 000 migrants ont traversé la Méditerranée, soit 0,1 % de la population de l’Union européenne. Les ONG ont sauvé 88 000 naufragés, tandis que 13 000 personnes se sont noyées au cours de la traversée. Entraver l’action des navires humanitaires « n’empêchera pas les gens de pendre la mer », a mis en garde Ruben Neugebauer, porte-parole de l’association allemande Seawatch. « Ils viendront quand même, et ils seront plus nombreux à mourir. (…) Nous exhortons les Etats européens à prendre leurs responsabilités et à arrêter de jouer avec des vies en mer. »

Comprendre la crise de l’« Aquarius » en trois questions
Durée : 04:32