Lundi 18 juin, cinq jours après Amazon, Apple commercialise en France son enceinte connectée baptisée « HomePod ». Le fabricant californien a imaginé une technologie sonore destinée à améliorer la clarté musicale de son enceinte. Cette innovation justifie-t-elle le tarif, élevé, de la HomePod (350 euros), quand ses concurrentes siglées Google et Amazon coûtent deux à trois fois moins cher ?

  • Remarquable équilibre sonore

Le son de la HomePod a deux qualités que l’on rencontre rarement à ce niveau de prix. Ses basses sont riches, agiles et détaillées, et sa clarté sonore est remarquable : on entend vraiment bien les instruments. La HomePod figure parmi les enceintes connectées les plus audiophiles, elle domine très largement les enceintes de Google et Amazon, et son volume sonore est suffisant pour animer une petite fête.

La HomePod ressemble à une grosse boule de tissu. Elle existe aussi en version blanche. / NICOLAS SIX / LE MONDE

Mieux encore, sa constance sonore est sans précédent. Peu importe où on la pose, le son de la HomePod reste correct. Elle parvient même à sonner agréablement dans une toute petite salle de bains carrelée, ce dont une enceinte est en principe incapable sans recourir à des réglages experts. Cette qualité lui vient d’un principe révolutionnaire, une forme de calibration avancée : la HomePod écoute le son qu’elle diffuse pour diagnostiquer ses déséquilibres, et les corrige grâce à un ensemble de filtres sonores sophistiqués.

  • Simple et efficace

Cette calibration de la HomePod est bien plus efficace que celle de la Google Home Max, une enceinte haut de gamme qui n’est pas commercialisée en France. Elle est beaucoup plus simple que la calibration des enceintes Sonos, qui impose de tourner autour de l’objet pendant deux minutes en agitant un smartphone en l’air pour tester l’acoustique de la pièce. Sur la HomePod, tout est automatique : lorsqu’on déplace l’enceinte, elle remarque qu’on la repose grâce à un détecteur de mouvement, et quinze secondes plus tard, on entend distinctement le son se corriger.

Raffinement supplémentaire : quand la HomePod est proche d’un mur, elle dirige vers ce mur un flux sonore filtré qui s’y reflète, pour améliorer la précision et l’ampleur sonore. Paradoxalement, la HomePod sonne mieux à 10 centimètres d’un mur qu’à un mètre. Une bonne nouvelle car cette position rapprochée, courante et fort pratique, est habituellement déconseillée.

  • Un son un peu froid

La quête de la qualité sonore est-elle nécessairement une recherche d’équilibre sonore ? Pas forcément : c’est aussi une affaire de goûts. En misant tout sur la neutralité, la HomePod ne convaincra pas tous ses utilisateurs. Ses basses paraîtront timides aux amoureux de très gros son. D’autres enceintes sonnent plus chaleureusement, comme la Sonos One (200 euros), elle aussi dotée d’un système de calibration, et équipée de l’assistant Alexa d’Amazon, mais la précision sonore est nettement inférieure. Tous les auditeurs n’apprécieront pas non plus les aigus très présents de la HomePod, qui peuvent fatiguer les oreilles au bout de quelques dizaines de minutes. Beaucoup d’enceintes connectées diffusent un son plus confortable.

Par curiosité, nous avons associé deux HomePod en stéréo, le son gagne alors en amplitude et en fidélité. Comparé à une chaîne hi-fi audiophile facturée deux fois plus cher, le miracle n’a pas lieu. La HomePod sonne plus plat, moins naturel, les instruments sont moins palpables. Mais au détour de certaines chansons, la voix d’un chanteur peut paraître beaucoup plus claire. La calibration automatique d’Apple impressionne.

  • Un assistant vocal passable

La HomePod ne sert pas uniquement à diffuser de la musique : elle embarque un assistant vocal qu’on interpelle en prononçant « dis, Siri », capable de diffuser un bulletin météo à la demande, de programmer un timer, etc.

La version française de Siri comprend le français aussi bien que ses concurrentes Google Home et Amazon Echo. Mais ses réponses sont tout aussi décevantes, quand on l’interroge sur des points précis de culture générale : elle donne rarement une réponse impeccable du premier coup.

Contrairement aux deux autres, elle se déclare toutefois incompétente presque une fois sur deux, notamment lorsqu’on lui demande une recette, ou qu’on cherche à lire son agenda, ce qui se révèle finalement plutôt reposant. En essayant de répondre systématiquement, les enceintes d’Amazon et Alexa donnent rarement une réponse convaincante aux mêmes questions.

Certaines fonctions manquent toutefois à la HomePod, comme la traduction entre le français et l’anglais, pas encore disponible en France, ou la domotique, bridée par le faible nombre d’appareils connectés compatibles. Toutefois, même si les enceintes de Google et Amazon sont compatibles avec cinq fois plus d’appareils, leur paramétrage est loin d’être simple.

Les fonctions essentielles des enceintes connectées – celles qui fonctionnent vraiment bien chez Google et Amazon comme la météo ou la musique – sont tout aussi efficaces sur la HomePod. En outre, l’enceinte d’Apple est plus facile à régler que ses concurrentes : quand on la sort du carton, il suffit d’approcher un iPhone ou un iPad à moins de 20 centimètres, puis de suivre les instructions, courtes et illustrées, pour la démarrer.

  • Prisonnière de l’univers Apple

La HomePod ne peut pas être pilotée avec un smartphone Android. Elle doit être associée à un iPad ou un iPhone sortis après septembre 2013. Siri, son assistant vocal, est incapable de piloter les bibliothèques musicales populaires Deezer et Spotify. Pour lire leurs titres, on doit d’abord ouvrir un iPhone ou un iPad, accéder à l’application musique, lancer une chanson, cliquer sur un bouton, et sélectionner la HomePod. Laborieux. Pour lancer des titres à la voix, il faut s’offrir l’abonnement Apple Music, concurrent de Deezer et Spotify.

Au-dessus de la HomePod, deux touches permettent de monter et baisser le volume. On peut aussi le faire à distance en prononçant « Dis Siri, volume 20 % ». / NICOLAS SIX / LE MONDE

  • Prudente avec les données personnelles

La HomePod met-elle en danger votre vie privée ? Quand un appareil relié à Internet est doté de six micros, il est impossible d’exclure catégoriquement tout risque de piratage. En outre, l’enceinte d’Apple fait remonter les demandes de son propriétaire vers les bases de données d’Apple. Mais contrairement à Google et Amazon, qui conservent la longue liste de vos requêtes vocales sans limite de temps, reliées à votre compte personnel, Apple assure faire beaucoup d’efforts pour anonymiser ces informations avant même qu’elles n’arrivent dans ses fermes d’ordinateurs. Ces requêtes ne servent donc pas à distribuer des publicités ciblées.

La HomePod permet d’écouter les textos reçus par l’iPhone, et même d’en envoyer. Si vous craignez que vos enfants, ou que des visiteurs utilisent cette fonction de façon indélicate, pensez à la désactiver. La manœuvre est hélas un peu compliquée.

Conclusion

Avec la HomePod, les ingénieurs d’Apple donnent une magistrale leçon de clarté sonore : dans les pièces à l’acoustique difficile, l’enceinte fait des miracles. En France, son assistant personnel Siri est presque aussi compétent que ceux de Google ou d’Amazon, et le système protège mieux les données personnelles de ses clients. Cependant, Siri peut se révéler frustrant, tant il répond rarement de façon sagace, tout comme ses concurrents.

La HomePod est plutôt pour vous si :

  • vous ne jurez que par Apple ;
  • pour vous, le rendu sonore gagne à s’approcher du choix des artistes ;
  • vous comptez placer votre enceinte à quelques centimètres d’un mur. Plus encore si la pièce est petite ou son acoustique difficile.

La HomePod n’est plutôt pas pour vous si :

  • vous êtes adepte des enceintes au rendu doux ou aux basses dantesques ;
  • vous êtes impatient de dialoguer avec un programme d’intelligence artificielle, mais qu’elle soit prévenue : vous n’avez aucune tolérance pour la médiocrité ;
  • en matière d’informations personnelles, vous pratiquez le risque zéro.