Pas d’alerte aux orages, mais une météo conjoncturelle tirant sur le gris. D’après l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la croissance française devrait nettement décélérer en 2018, pour atteindre à la fin de l’année 1,7 %, loin derrière les 2,3 % enregistrés en décembre dernier pour 2017. Cette trajectoire, due au freinage « relativement brutal » de l’activité au cours des deux premiers trimestres, se redresserait dans la deuxième moitié de l’année, selon la note tout en métaphores climatiques publiée mardi 19 juin.

Que s’est-il passé début 2018 ? Après l’accélération plein gaz de la fin 2017, on pouvait s’attendre à un ralentissement, mais les analystes ont été surpris par la faiblesse de la demande intérieure et la contraction de la production manufacturière. La consommation, en berne depuis l’automne, est restée dans les limbes, tandis que l’investissement des entreprises marquait le pas. Résultat : le climat des affaires, qui atteignait des niveaux stratosphériques en décembre, s’est replié dans tous les secteurs, à l’exception du bâtiment.

Un trou d’air partout en Europe

Mais ce trou d’air n’est pas spécifique à la France. L’appréciation de l’euro par rapport au dollar, la hausse des prix du pétrole, les tensions protectionnistes et les contraintes qui pèsent sur l’appareil productif, notamment en Allemagne, ont contribué partout à ternir l’horizon. Des nuages dont l’ombre portée sur l’activité tirerait la croissance de la zone euro à 2,1 %, après 2,6 % en 2017.

Plus qu’à un bouleversement de conjoncture, on assisterait donc au « retour vers une croissance plus modérée » en France, selon Frédéric Tallet, de l’Insee. La normalisation devrait se matérialiser d’ici l’été.

Après 0,2 % et 0,3 %, les statisticiens tablent sur une progression de l’activité de 0,4 % au troisième puis au quatrième trimestre, tirée notamment par l’investissement des entreprises. Une deuxième partie d’année marquée par le rebond attendu du pouvoir d’achat.

Les conséquences de l’étalement du calendrier des réformes fiscales, qui ont pesé sur les dépenses des ménages en début d’année, s’annuleront en effet à l’automne, observe Mathieu Plane, chercheur à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), un think tank classé à gauche. Les ménages, qui ont dû puiser dans leur épargne, devraient voir la hausse de la CSG enfin compensée par l’entière suppression des cotisations salariales.

Moins de créations d’emplois

Pour doper le pouvoir d’achat, les analystes misent également sur les salaires, stimulés par les créations d’emplois. Environ 183 000 postes devraient voir le jour en 2018.

Un chiffre nettement moins élevé que l’année précédente, pendant laquelle près de 340 000 emplois avaient été créés, et qui s’explique en partie par la suppression des contrats aidés et le freinage dans l’intérim. Dans ces conditions, le taux chômage, après une forte baisse l’an passé, se stabiliserait à 8,8 %.

Malgré ce léger mieux, l’Insee ne s’attend pas à une envolée des dépenses des ménages. Ces derniers seraient plutôt enclins à mettre de l’argent de côté. Entre le premier et le dernier trimestre de l’année, le taux d’épargne passerait de 13,6 % à 15,1 %. Une morosité qui se lit également dans un investissement des ménages désespérément plat.