Gonen Segev, en 2004, lors de sa comparution devant le tribunal de Tel-Aviv pour trafic de stupéfiants. / YARIV HATZ / AFP

De l’ecstasy à la haute trahison : voilà la déchéance hors norme qui vaut à Gonen Segev la « une » des journaux israéliens. Cet ancien député et ministre, âgé de 62 ans, autrefois condamné pour trafic de drogue, est accusé d’être un agent actif au profit des services de renseignement de l’Iran, le plus grand ennemi que compte aujourd’hui son pays.

Le Shin Bet, le service de sécurité intérieure de l’Etat hébreu, en a fait la révélation lundi 18 juin en gardant de nombreux détails sous silence. Impossible, donc, d’estimer si Gonen Segev a réellement mis en danger les intérêts de son pays, alors qu’il était éloigné depuis longtemps des cercles de pouvoir. Cette inculpation peut aussi revêtir un caractère préventif dans l’affrontement entre les deux Etats. Elle serait alors un avertissement, lancé à ceux qu’une telle trajectoire tenterait.

Dans un communiqué, le Shin Bet a révélé dans quelles conditions Gonen Segev avait été arrêté il y a quelques semaines, alors qu’il se trouvait en Guinée équatoriale, où les autorités lui auraient refusé l’entrée sur leur territoire. A la demande de la police israélienne, il a été extradé. Le parquet du district de Jérusalem a formalisé les charges retenues contre lui le 15 juin. Il est accusé d’espionnage au profit d’une puissance étrangère ennemie en temps de guerre, contre les intérêts d’Israël. Le parquet général a apposé son accord à cette décision.

Officiers traitants

Selon le service de sécurité intérieur, l’ancien député aurait communiqué des informations à l’Iran au sujet du secteur de l’énergie, de sites sensibles pour la sécurité d’Israël et identifié certains cadres de l’appareil d’Etat. Pour monter des dossiers de valeur, alors qu’il n’avait plus aucune fonction officielle, il aurait cultivé des relations parmi les hauts fonctionnaires et le milieu économique, en tentant de leur présenter des agents iraniens se faisant passer pour des hommes d’affaires.

Il aurait établi le contact en 2012 avec des fonctionnaires iraniens pendant ses années de résidence au Nigeria, par l’ambassade sur place. Puis il aurait effectué deux séjours en Iran, dans des conditions non divulguées. « Segev a aussi rencontré ses officiers traitants dans différents hôtels et appartements dans le monde, qu’il savait être utilisés pour des activités clandestines », précise le Shin Bet. Selon le service israélien, Segev aurait même reçu un équipement permettant de crypter les communications avec ses officiers traitants.

Tablettes d’ecstasy

Ancien pilote et capitaine dans l’armée de l’air, il a ensuite fait des études de médecine. En 1992, il a été élu député à la Knesset sur la liste du parti – aujourd’hui disparu – Tsomet. Cette formation sioniste très ancrée à droite, lancée en 1983, prônait l’annexion de la Cisjordanie et de la bande de Gaza et rejetait toute négociation avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Pourtant, un an plus tard, Gonen Segev a quitté ce parti, avant de rejoindre le gouvernement en janvier 1995, comme ministre. En échange de son soutien au processus d’Oslo, le chef du gouvernement Yitzhak Rabin lui offrit un portefeuille, celui de l’énergie.

Gonen Segev est revenu dans l’actualité nationale des années plus tard, en avril 2004, au moment de son arrestation pour trafic de drogue, qui lui vaudra une condamnation à cinq ans de prison. Il avait tenté d’acheminer en Israël, en provenance des Pays-Bas, 32 000 tablettes d’ecstasy. Avant de finir par plaider coupable, il prétendit qu’il avait cru transporter des bonbons M & M’s. Il a aussi été condamné pour avoir tenté de prolonger, au stylo, la validité de son passeport diplomatique, lors de son passage aux Pays-Bas. Après n’avoir effectué qu’un tiers de sa peine, il est sorti de prison dès la mi-2007, pour bonne conduite. Privé de sa licence médicale, il a alors quitté le pays, pour s’installer au Nigeria. En 2016, il a demandé aux autorités israéliennes que sa licence soit à nouveau validée. En vain.