Cérémonie de remise des diplômes à HEC, en 2016 / Olivier Ouadah/HEC via Campus

Moins de six mois après avoir décroché leur diplôme, ils sont près de 90 % en activité. Le taux net d’emploi des étudiants tout juste sortis d’une école de commerce ou d’une école d’ingénieurs atteint son plus haut niveau depuis 2010, et gagne trois points par rapport à 2017, selon « l’enquête insertion » publiée mardi 19 juin par la Conférence des grandes écoles (CGE), en collaboration avec l’Ensai (Ecole nationale de la statistique et de l’analyse de l’information).

Encore plus étonnant : 62 % des étudiants de la promotion 2017 ont été embauchés… avant même l’obtention de leur diplôme ! « Ce taux n’avait jamais été atteint », s’est réjoui Peter Todd, directeur général du groupe HEC et président de la commission Aval de la CGE, à l’occasion d’une présentation de l’enquête à la presse.

Pour cette 26e édition, 176 écoles (sur 220 membres de la CGE) ont procédé à la collecte des résultats, soit une base totale de 33 711 réponses « exploitables » transmises à la CGE. A noter que le taux de réponses des nouveaux diplômés atteint son plus bas niveau depuis cinq ans, à 64 % (- 4 points par rapport à 2017) et que 58 % des réponses proviennent de jeunes diplômés ingénieurs, contre 39 % de jeunes diplômés d’une école de commerce.

Les manageurs mieux payés que les ingénieurs

81,1 % des diplômés de la promotion 2017 ont décroché un CDI, soit une hausse de 2 points par rapport à l’année passée. La proportion de diplômés sortant d’école sans emploi passe, elle, de 11,6 % en 2017 à 9,2 % en 2018. « La part en recherche d’emploi se situe en 2018 au plus bas niveau observé depuis 2005 », décrit l’étude, qui souligne « l’influence de la conjoncture économique immédiate sur le recrutement des diplômés des grandes écoles ».

Le salaire brut annuel moyen des jeunes diplômés à l’entrée dans la vie active enregistre une hausse sensible, atteignant 34 122 euros (38 225 euros avec primes) contre 33 625 euros en 2017. Les jeunes « manageurs » gagnent davantage d’argent que les jeunes ingénieurs, avec un salaire plus élevé de 1 000 euros en moyenne (et de 3 000 euros en comptant les primes).

Seule ombre au tableau, les femmes sont systématiquement moins bien classées que les hommes, depuis le taux net d’emploi, jusqu’au statut du contrat ou du poste en passant par le niveau de leur salaire. En somme, « tous les indicateurs sont moins favorables aux femmes et présentent des écarts comparables à ceux observés les années précédentes », relève l’étude.

« Les bras nous en tombent ! », s’exclame Anne-Lucie Wack, présidente de la CGE, qui se demande « comment se fait-il qu’en 2018 on en soit encore là ? Nous sommes face à un problème sociétal de perpétuation des stéréotypes de genre, analyse-t-elle. Tout ne se passe pas dans les grandes écoles, mais aussi dans la société, les entreprises, et dans la tête des gens… » En 2018, la part des CDI présente un écart de 11 points entre les jeunes hommes et les jeunes femmes (plus marqué chez les ingénieurs avec 14 points d’écart).

Quant aux salaires, les manageuses perçoivent en moyenne 2 500 euros de moins que les hommes, les ingénieures, 1 800 euros de moins. Avec les primes, la différence atteint respectivement 4 300 euros et 2 500 euros…

Expatriation en baisse

Pour les jeunes ingénieurs, les secteurs d’insertion sont principalement le conseil (16,3 %), l’informatique et les technologies de l’information et de la communication (13,3 %), l’industrie du transport (13 %) et de la construction (10,6 %). Côté manageurs, le conseil est en tête également (17,9 %), devant le secteur banque/assurances (17,7 %) et le commerce (11 %).

Pour la troisième année d’affilée, « les jeunes diplômés, portés par la bonne conjoncture française, sont rapidement aspirés dans des emplois nationaux », pointe Peter Todd : 87,1 % trouvent leur premier emploi dans l’Hexagone. « Des pays comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Suisse sont moins accueillants qu’il y a quelques années », explique le patron de HEC. La part des emplois à l’étranger diminue ainsi légèrement, tant pour les nouveaux ingénieurs (9,9 % des emplois) que pour les jeunes frais émoulus d’écoles de commerce (18,6 %). Une tendance qui permet d’établir que « la crainte d’une fuite des cerveaux, brandie un temps, n’est pas fondée », affirme Anne-Lucie Wack.

La moitié de ces emplois « français » se situe en province pour les ingénieurs, alors que les trois quarts des jeunes manageurs trouvent leur premier travail en Ile-de-France. Par ailleurs, les TPE/PME restent le premier employeur des diplômés des grandes écoles : 39,3 % ont privilégié une entreprise de moins de 250 salariés à la fin de leur cursus, contre 30,8 % qui ont intégré une grande entreprise de plus de 5 000 salariés.

Percée des réseaux sociaux

Concernant les outils d’accès à l’emploi, pour la première fois, en 2018, les réseaux sociaux (7 %) passent devant l’apprentissage (6,9 %). Ils ont enregistré une progression de 4,3 points depuis 2015 et devancent largement les réseaux d’anciens élèves (3,6 %) et les services emploi des écoles (2 %). Les stages de fin d’études (28,5 %), les sites Internet spécialisés dans l’emploi (12 %) et les relations personnelles (9 %) restent encore les principaux vecteurs d’occasions professionnelles pour les jeunes diplômés.

« LinkedIn déplace l’équilibre et la façon dont les entreprises recrutent et dont les jeunes cherchent un emploi, a constaté Anne-Lucie Wack. Cela bouleverse totalement la place des associations d’alumni et nous devons le prendre en compte. » De son côté, Peter Todd veut voir dans les réseaux sociaux une façon d’objectiver et de « rendre plus rigoureux » le recrutement effectué par les entreprises. Pas sûr que l’association des anciens de HEC partage cette analyse, dont les adhérents ne représentaient que 18 % des alumni en 2017…

Les grandes écoles auront aussi un autre défi à relever à très court terme : pourvoir aux besoins de recherche en intelligence artificielle dans des proportions bien supérieures à ce que pourront produire les 13,3 % de jeunes diplômés ingénieurs qui, en 2018, viennent de rejoindre ce secteur en plein boom.

« Il est temps de se réveiller », concède Anne-Lucie Wack. Les grandes écoles françaises « ne sont pas en avance » dans ce domaine, comme l’a souligné récemment le député (LRM) et mathématicien Cédric Villani. Dans son rapport sur l’intelligence artificielle remis au gouvernement à la fin du mois de mars, il préconise de tripler la proportion d’ingénieurs spécialisés dans ce secteur d’ici à 2020. Une gageure.