A Ibaraki, dans la région d’Osaka (Japon), après un séisme, le 18 juin 2018. / Yosuke Mizuno / AP

Comme si les répliques ne suffisaient pas. La région d’Osaka, la grande métropole de l’ouest du Japon, et ses 8,8 millions d’habitants (19,8 avec les villes de Kobe et Kyoto) devaient subir, dans la soirée du mardi 19 juin, de fortes précipitations, malheureusement fréquentes en juin, période de mousson.

Pour les habitants affectés par le tremblement de terre de magnitude 6,1 survenu la veille à 7 h 58 et qui a fait 4 morts et 376 blessés, la perspective de la pluie s’ajoutait aux incessantes répliques du séisme. L’agence de la météorologie (JMA) en avait détecté vingt-huit en plus de vingt-quatre heures. La plus forte, enregistrée au cœur de la nuit, fut de magnitude 4.

Pluie et séismes augmentent les risques de glissements de terrain. « Soyez attentifs aux alertes d’évacuation des municipalités ainsi qu’aux informations données par la radio et la télévision », a rappelé mardi le porte-parole du gouvernement, Yoshihide Suga.

L’objectif est d’éviter d’aggraver le bilan du séisme dont l’intensité a atteint le niveau 6 – sur l’échelle japonaise graduée de 0 à 7. A 6, explique la JMA, « il est difficile de se tenir debout. Les meubles non fixés peuvent tanguer et tomber. Les portes peuvent être déformées. Les toits et les fenêtres peuvent être endommagés ». La plupart des victimes ont subi la chute de murets de béton ou de meubles.

Sans eau ni gaz

Les dégâts aux infrastructures ne sont pas négligeables. Des routes et des ponts sont endommagés. D’importantes canalisations d’eau ont cédé, soulevant des interrogations sur leur mise aux normes antisismiques. Sur le plan économique, la région, très industrialisée, a vu des entreprises comme Panasonic, Honda ou encore Sharp suspendre pendant plusieurs heures les activités de certains sites de production.

Mardi matin, les transports en commun – dont le train à grande vitesse Shinkansen – circulaient de nouveau, faisant espérer aux travailleurs de ne pas revivre le cauchemar de la veille. Contraints de rentrer chez eux à pied, ils avaient formé des files ininterrompues sur plusieurs kilomètres. Le pont de 800 mètres, Shin-Yodogawa, qui enjambe le fleuve Yodogawa traversant la métropole, fut ainsi encombré pendant des heures.

Nombre de foyers, particulièrement à Takatsuki, municipalité du nord-est d’Osaka et la plus proche de l’épicentre, restaient mardi sans eau ni gaz. La compagnie Osaka Gas a mobilisé 2 500 techniciens pour rétablir la distribution aux 110 000 foyers affectés. Les travaux pourraient durer jusqu’à la fin du mois. L’électricité a été rétablie pour quelque 170 000 foyers touchés lundi.

Un peu plus de 350 lieux d’évacuation ont été ouverts. Près de 1 400 personnes s’y sont réfugiées, notamment celles n’ayant pas pu rentrer chez elles lundi soir. Les Forces d’autodéfense ont été mobilisées pour assurer la distribution d’eau.

A Takatsuki, près d’Osaka (Japon), après un séisme, le 18 juin 2018. / Keiji Uesho / AP

Pour beaucoup d’habitants, le séisme a ravivé la mémoire de celui de Kobe, proche d’Osaka, qui avait fait plus de 6 400 morts en 1995. D’autres s’angoissent pour l’avenir. « Le grand tremblement de terre de la fosse de Nankai pourrait survenir. Il faut se préparer », s’est ainsi inquiété un habitant d’une soixantaine d’années sur la chaîne publique NHK. Cette fosse longe la côte sud-ouest du Japon jusqu’à son centre. Elle coïncide avec la zone de subduction entre la plaque des Philippines et celle de l’Amour.

Depuis le séisme, le tsunami et la catastrophe nucléaire de mars 2011, les grands instituts d’études sismiques ont revu leurs travaux sur les prévisions des tremblements de terre à venir. Ils redoutent toujours le « big one » attendu à Tokyo, mais s’inquiètent de plus en plus de celui de la fosse de Nankai.

Impact sur l’économie

En décembre 2017, la commission gouvernementale sur les séismes a révisé à la hausse les risques de séismes de magnitude 8 ou 9 pouvant survenir dans les trente ans dans cette zone. Initialement à 70 %, le risque est désormais estimé entre 70 % et 80 %. Le calcul s’appuie sur la périodicité observée des tremblements de terre. Elle est à environ 90 ans pour ceux de la faille de Nankai et le dernier séisme majeur y a eu lieu en 1946.

Le 7 juin, la société japonaise des ingénieurs civils a dévoilé une évaluation des conséquences financières d’un tel séisme, suivi d’un puissant tsunami. La catastrophe causerait des dégâts dont le coût pourrait atteindre 1,4 million de milliards de yens (10 920 milliards d’euros, 2,5 fois le PIB). Outre les dégâts matériels aux infrastructures et aux bâtiments, ce montant inclut l’impact sur l’économie, dont le redressement pourrait prendre 20 ans.

Ces calculs occupent les débats à la télévision depuis le séisme d’Osaka même s’ils sont contestés. Le professeur Robert J. Geller, du département des sciences de la terre de l’université de Tokyo et habitué de ces débats, n’a pas hésité à tweeter : « Les prévisions du gouvernement s’appuient sur la périodicité, une théorie erronée. » Le chercheur est toujours apparu réservé sur les prévisions. Dans un article publié en 2011 dans la revue Nature, il fait remarquer que tous les séismes ayant fait plus de dix morts depuis 1979 étaient survenus dans des zones considérées comme à risque faible. Pour lui, c’est l’ensemble du Japon qui est à risques.

Les prévisions, pour hypothétiques qu’elles soient, bénéficient d’une publicité accrue depuis 2011 et peuvent être utiles pour maintenir en alerte la population. Et les sociétés d’assurances s’appuient dessus pour fixer leurs primes. En janvier, Tokio Marine & Nichido Fire Insurance Co a augmenté les siennes pour certaines régions, notamment le Shikoku, la plus proche de la fosse de Nankai.