Documentaire sur Arte à 20 h 50

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, un puissant mouvement antinataliste voit le jour aux Etats-Unis. De riches hommes blancs estiment que le nombre élevé de pauvres sur la planète constitue un redoutable danger. Ils décident, à travers des programmes financés à coups de millions de dollars par de puissantes fondations (Ford, Rockefeller…), d’inciter les habitants des pays en voie de développement à faire moins d’enfants.

Dans les années 1960, le Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap) va mener de vastes campagnes pour contrôler les naissances en Inde, Corée du Sud, Chine ou Vietnam. Aujourd’hui encore, le Fnuap consacre plus de 60 % de son budget à cette question. Et c’est en 1968 que le biologiste américain Paul Ehrlich publie La Bombe P” (pour population), ouvrage ­antinataliste qui connaîtra un grand succès. A ces campagnes parfois brutales (avortements forcés) s’ajoute un phénomène culturel : dans beaucoup de familles asiatiques, le garçon était considéré comme une chance, la fille comme une calamité.

Un constat inquiétant

Tout cela a abouti à un constat ­inquiétant : il manquerait aujour­d’hui 177 millions de femmes sur terre, notamment en Asie, pour respecter l’équilibre des sexes ! Et l’on estime à près d’une vingtaine le nombre de pays qui pratiquent encore la sélection par le sexe. Même si les mentalités évoluent, les dégâts sont considérables. En revenant, à l’aide d’images d’archives, sur ces politiques à grande échelle, en rencontrant des militants associatifs, de jeunes hommes à la recherche d’épouse ou de jeunes femmes qui racontent leur calvaire (avortements ou mariages forcés), Antje Christ et Dorothe Dörholt réalisent un documentaire passionnant.

Le manque de femmes entraîne, de fait, une augmentation des violences, des trafics, des enlèvements. Il faudra attendre des décennies avant que le ratio hommes-femmes soit de nouveau équilibré. Mais les politiques ­changent enfin. En Chine, celle de l’enfant unique a été abandonnée. En Corée du Sud, de 1960 à 2010, le taux de fécondité est passé de six à un et l’avortement est sévèrement contrôlé. En Inde, le gouvernement récompense les familles donnant naissance à des filles.

Un monde sans femmes, d’Antje Christ et Dorothe Dörholt (All., 2018, 90 min).