« La Veste de Grégoire », de Serge Grah et Kouadé Achille Brou (Vallesse Editions, Abidjan, 2018). / VALLESSE EDITIONS

Chronique. Il fut un temps, il y a bien longtemps paraît-il, où les souris en imposaient aux autres animaux. Ainsi en est-il de Betty, la souris de l’album La Veste de Grégoire, dont les talents de couturière impressionnent Grégoire le Chat. Le beau matou va parcourir des kilomètres depuis son village pour demander à Betty, à l’autre bout du pays, de lui coudre une veste d’apparat. C’est que Grégoire va bientôt être fait notable par le roi lui-même.

Pareil événement nécessite un vêtement élégant. Une fois les mesures du chat prises et la commande passée, une longue attente commence pour Grégoire qui, d’abord impatient, va se laisser gagner par l’inquiétude avant de céder finalement à la colère. Car Dame Souris traînaille malgré les sollicitations renouvelées de Monsieur Chat. Incapable de livrer sa commande à temps, Betty la Souris finit par disparaître la queue basse et sans explications. Dès lors le Grégoire le Chat vouera pour toujours une haine impitoyable aux souris qu’il croisera.

« Une parabole »

De ce conte étiologique, l’auteur Serge Grah et l’illustrateur Kouadé Achille Brou ont fait un album moderne à la facture originale et attractive, où les animaux ressemblent aux humains parmi lesquels ils vivent. Un prétexte pour interroger les haines séculaires sur lesquels certains peuples s’arc-boutent sans raison ? « Au départ, explique Serge Grah, je n’ai cherché qu’à transformer un fait divers réel qui m’avait plu en un livre pour les petits. Ma démarche avait tout d’innocent. Mais je reconnais qu’on peut lire cette histoire comme une parabole, qui en dit long sur ces petites incompréhensions d’où partent un jour les grands conflits. »

Bien qu’ayant publié également roman, poésie et essai adressés aux adultes, l’auteur de 46 ans écrit pour la jeunesse avec une égale conviction. « J’ai moi-même été nourri par la lecture, petit, d’illustrés comme Hakim ou Zembla qui me donnaient de grandes émotions. » La Veste de Grégoire a reçu au dernier Salon international du livre d’Abidjan une distinction emblématique : le prix Jeanne de Cavally, du nom de la pionnière ivoirienne de la littérature enfantine qui publiait pour les plus jeunes dès le début des années 1980.

« J’en ai été tout surpris, mais je me suis surtout senti encouragé, avoue Serge Grah, car contrairement aux apparences, écrire pour les enfants n’est pas facile. J’ai pu aller à la rencontre de nombreuses classes et j’ai pris plus que jamais conscience de la portée des livres sur les futurs citoyens de notre pays. » Un album significatif également d’une production éditoriale pour la jeunesse en expansion, dans ce pays qui, depuis une vingtaine d’années, occupe à ce titre une position phare en Afrique de l’Ouest.

La Veste de Grégoire, de Serge Grah et Kouadé Achille Brou (Vallesse Editions, Abidjan, 2018).