Devant le restaurant Ryugyong, à Ningbo, en Chine, en 2016. / Joseph Campbell / REUTERS

Douze serveuses d’un restaurant nord-coréen de Chine, arrivées en Corée du Sud au printemps 2016, au pire des relations entre Séoul et Pyongyang, sont une contrariété deux ans plus tard, à l’heure du spectaculaire réchauffement intercoréen.

Les jeunes femmes travaillaient à Ningbo, grand port de l’Est chinois, dans un de ces établissements mêlant cuisine traditionnelle et folklore, où le personnel est choisi pour sa fidélité au régime et dont les gains générés alimentent en devises étrangères les finances de Pyongyang.

Après leur arrivée, le 7 avril 2016, le gouvernement de la présidente sud-coréenne d’alors, la très conservatrice Park Geun-hye (2013-2017), dont la politique nord-coréenne se voulait extrêmement ferme, avait affirmé que toutes avaient librement choisi de venir. Et présenté cette défection comme la plus importante depuis l’arrivée au pouvoir en 2011 du dirigeant Kim Jong-un, pour y voir le signe d’un régime vacillant. Mme Park intervenait opportunément, à quelques jours d’élections locales importantes pour elle. L’ex-présidente a été condamnée depuis à vingt-quatre années d’emprisonnement pour corruption et abus de pouvoir.

La Corée du Nord avait vivement protesté, arguant de pressions et de manipulation par le National Intelligence Service (NIS), le renseignement sud-coréen, et qualifiant l’affaire d’enlèvement « hideux » – mais Pyongyang tente aussi de décrédibiliser les vrais cas de défection.

« Menaces »

L’affaire a pris un nouveau tournant début mai, quand un homme présenté comme le directeur du restaurant a affirmé à la chaîne sud-coréenne JTBC qu’il avait décidé de faire défection avec sa femme puis menacé ses douze employées, les forçant à l’accompagner, sur instructions du NIS.

Quatre des serveuses, également interrogées par JTBC, ont confirmé avoir été contraintes d’accepter par écrit de faire défection. L’opération se serait déroulée à l’ambassade sud-coréenne de Kuala Lumpur (Malaisie). Elles auraient été sous pression du gérant. « Il nous a menacées, si nous ne signions pas, de nous livrer aux forces de sécurité nord-coréennes pour avoir regardé des séries télévisées sud-coréennes, a déclaré l’une des femmes. Nous n’avions pas le choix. »

Pyongyang demande le rapatriement des serveuses et exige que les coupables soient traduits en justice. « Il a été prouvé que les femmes employées ont été enlevées par le régime de Park Geun-hye », a fait savoir le 29 mai dans un commentaire l’agence officielle KCNA. Pour Pyongyang, ce rapatriement serait un moyen pour le Sud de « montrer sa bonne volonté d’améliorer les liens bilatéraux ».

A Séoul, qui a déjà accueilli près de 30 000 transfuges du Nord, les autorités ont dans un premier temps affirmé que la volonté des serveuses de venir au Sud avait été confirmée. Mais la puissante association des avocats pour une société démocratique, ou Minbyun, une organisation progressiste dont fut membre l’actuel président, Moon Jae-in, a porté plainte pour obtenir des poursuites contre le patron du NIS au moment des faits, Lee Byung-ho, l’ancien ministre de l’unification, Hong Yong-pyo, et le gérant du restaurant.