LES CHOIX DE LA MATINALE

Entre deux épreuves du bac ou pour égayer un dimanche soir, faites votre choix : la Bécassine ! de Podalydès attendrit sans convaincre, Have a Nice Day fascine par sa mélancolie, Sans un bruit terrifie avec une grande efficacité et Une prière avant l’aube renouvelle particulièrement bien le film de boxe.

« Have a Nice Day » : polar à la noirceur d’encre

Have A Nice Day - Movie Clip
Durée : 02:27

L’expression « Have a nice day » (et sa traduction française, « bonne journée »), sorte de service minimum de la relation humaine, n’est plus qu’une formule automatique dans les échanges quotidiens. Personne n’est dupe, mais ça aide à tenir – et à vendre. Que le cinéaste chinois et artisan de l’animation, Liu Jian, 49 ans, ait choisi ce titre pour nous donner des nouvelles de son pays est sans doute un signe avancé de mélancolie : la Chine est un prince marchand, pas vraiment charmant.

Tous les coups sont permis dans ces faubourgs du sud de la Chine, du moment que les protagonistes peuvent sortir de leur misère ou préserver leurs gains acquis de haute lutte mafieuse. Le jeune Xiao Zhang, chauffeur d’un truand local, décide un soir de voler son patron afin de pouvoir payer une nouvelle chirurgie esthétique à sa fiancée. Ordonné en quatre parties, le film est traversé de subites accélérations, de bagarres et de multiples rebondissements.

Pour développer ses scénarios, Liu Jian accumule des photos de lieux réels. Ce fonds documentaire lui sert à fabriquer ses décors. Est-ce ce travail quasi artisanal, et solitaire, qui a fini par imposer cette esthétique minimaliste? Le vague à l’âme peut s’exprimer dans quelques secondes d’écran vide de toute image, lesquelles paraissent une éternité. Chez Liu Jian, le polar reste un film noir. Clarisse Fabre

« Have a Nice Day », film d’animation chinois de Liu Jian (1 h 17 min).

« Sans un bruit » : terreur à la ferme

SANS UN BRUIT : Bande-Annonce Finale VF [au cinéma le 20 juin 2018]
Durée : 01:56

Quelques mois avant le début de l’histoire que conte Sans un bruit, les Abbott, papa Lee, maman Evelyn et leurs trois enfants, étaient en tête de toutes les listes alphabétiques. Depuis que la Terre a été envahie par des créatures anthropophages, indestructibles, hypersensibles au bruit, les Abbott sont l’alpha et l’oméga de l’espèce humaine. Ils ne sont pas sûrs que d’autres qu’eux ont survécu, et si eux y sont parvenus, c’est que Regan, leur aînée, est malentendante. Toute la famille communique en langage des signes, ce qui leur donne un avantage certain sur leurs concitoyens plus bruyants.

De ce postulat, développé par deux scénaristes débutants, Scott Beck et Bryan Woods, Krasinski, réalisateur et interprète, a tiré un film si américain qu’il fédère, sous la bannière du film d’horreur, le thriller, la chronique familiale et le western. Efficace et concis, Sans un bruit est un nouvel exemple de l’épanouissement d’une nouvelle génération de longs-métrages horrifiques américains.

Adroitement, John Krasinski joue du contraste entre une désuétude calculée et l’horreur de la situation des Abbott. La séquence d’ouverture met en scène une expédition au supermarché qui vire à la tragédie. Plus tard, ce ­seront les gestes quotidiens des travaux des champs qui seront déréglés jusqu’à l’absurde par la menace omniprésente. Thomas Sotinel

« Sans un bruit », film américain de et avec John Krasinski. Avec Emily Blunt, Millicent Simmonds, Noah Jupe (1 h 30).

« Une prière avant l’aube » : le martyre d’un jeune boxeur

UNE PRIÈRE AVANT L'AUBE Bande Annonce (2018) Action, Boxe, Film Français
Durée : 02:09

Le récit d’Une prière avant l’aube épouse la structure éprouvée de la chute et de la renaissance. Tiré d’un livre autobiographique, le film de Jean-Stéphane Sauvaire décrit le martyre d’un jeune toxicomane britannique jeté dans une prison thaïlandaise et parvenant, en participant aux championnats de boxe thaï de l’établissement, à améliorer son sort.

Le cinéaste jette le spectateur dans une plongée immersive, exprimée par les choix d’une mise en scène privilégiant les longs plans caméra à l’épaule, au centre d’un lieu infernal, collant à un personnage soumis à un calvaire absurde et brutal. Le spectacle est âpre, le personnage principal une force brute, incontrôlable et obtuse (la performance de l’acteur principal est remarquable) qui devra parvenir, au terme d’une longue et douloureuse épreuve, à une forme de renaissance.

Sur un schéma très usé, Une prière avant l’aube se distingue brillamment par le refus obstiné de toute sentimentalité et de tout effet emphatique. Jean-François Rauger

« Une prière avant l’aube », film britannique, cambodgien et français de Jean-Stéphane Sauvaire. Avec Joe Cole, Vitaya Pansringarm, Panya Yimmumphai (2 h 02).

« Bécassine ! » : dans le coffre à jouets

Bécassine - Bande Annonce Officielle - UGC Distribution
Durée : 01:57

Astérix, le Marsupilami, Iznogoud, Lucky Luke, Boule et Bill, Spirou, Gaston Lagaffe… Où s’arrêtera donc la grande lessiveuse cinématographique qui ­essore impitoyablement nos héros de bande dessinée préférés ?

On reconnaîtra à Bruno Poda­lydès, qui adapte aujourd’hui ­Bécassine, la vertu de n’être pas un faiseur, de préserver en lui, comme son œuvre le prouve ­suffisamment (Liberté-Oléron, Adieu Berthe, Comme un avion…), un esprit d’enfance, de choisir une héroïne qui, contrairement aux précédents, remonte si loin dans le temps que son souvenir s’estompe.

On retrouve donc ici l’attrait du réalisateur pour les rémanences enfantines et les univers de pure fantaisie. Le problème est que la candeur du personnage, la ­découpe délibérément grossière et statique des caractères, la ligne ténue de l’intrigue, l’humour plutôt daté – autant de traits qui ne dérangent pas le plaisir de la lecture imagée – passent assez mal au cinéma. Restent des joliesses, des interprétations plaisamment outrées, une litanie de petites inventions comme sorties d’un coffre à jouets. C’est mieux que rien, ce n’est toutefois pas suffisant. Jacques Mandelbaum

« Bécassine ! », film français de Bruno Podalydès. Avec Emeline Bayart, Karin Viard, Denis Podalydès (1 h 31).

Les sorties cinéma de la semaine (mercredi 20 juin)

A l’affiche également :

  • Le Doudou, film français de Philippe Mechelen et Julien Hervé
  • Kuzola. Le chant des racines, documentaire français d’Hugo Bachelet
  • Rose piment, film français de Cédric Malzieu