Les supporteurs sénégalais réunis dans la fan zone installée place de l’Obélisque à Dakar, le 19 juin. / SEYLLOU / AFP

Il était le dernier pays africain à jouer sa première journée dans cette Coupe du monde 2018, ce mardi 19 juin. Le Sénégal qui affrontait la Pologne au stade du Spartak, à Moscou, a arraché la première victoire du continent : 2-1. A Dakar, sur la place de l’obélisque où une fan zone a été aménagée pour l’occasion, la tension était palpable jusqu’à la dernière minute de jeu, bien que beaucoup de supporteurs se disaient confiants face à une Pologne, donnée favorite. « Ils croient qu’ils sont plus forts que nous, mais on va les battre », déclarait sans grande conviction Diomaye Sène, avant le coup d’envoi.

Mais très vite, en entonnant l’hymne national, un regain d’espoir se lit sur les visages et lorsque la star de Liverpool, Sadio Mané apparaît sur les écrans géants, c’est un cri du cœur qui explose chez les fans. « Sadio va nous faire gagner », lance Adja Fall qui arbore fièrement les couleurs du Sénégal sur le visage.

Journée de travail raccourcie

Dès les débuts de la rencontre, le Sénégal se montre offensif. Premier corner pour les Lions de la Teranga à la 6e minute. Le ballon récupéré par l’attaquant Mbaye Niang n’atteint pas le filet mais les supporteurs se réjouissent déjà. « On sent bien que nos Lions en veulent et ne vont pas se laisser faire », souligne Cheikh Guèye, un animateur qui, à l’instar de beaucoup de Sénégalais, a écourté sa journée de travail pour regarder le match.

Il faut dire que ce n’était pas un jour de semaine comme les autres à Dakar. Avec le duel qui a débuté à 15 heures, certaines entreprises ont aménagé les horaires de travail de leurs employés. « Nous avons tous quitté à 13 heures, ordre du patron », explique Saliou Diop, agent commercial. « Cet après-midi, on a fait l’école buissonnière tout comme les professeurs », renchérit Papa Mamadou Diop, étudiant à l’Université catholique de l’Afrique de l’ouest. Et pour ceux qui n’ont pas eu de congés, c’est le match qui s’est invité au travail. Ainsi, dans les boutiques de quartiers, les téléviseurs étaient placés à l’entrée, créant plusieurs zones de rassemblement.

A la 32e minute, le nouveau centre raté de Mbaye Niang fait grincer des dents. Certains supporteurs se tiennent la tête, d’autres s’agitent et contestent son action. Mais cinq minutes plus tard, c’est une explosion de joie qui succède aux doutes des premiers instants. Le défenseur polonais Cionek vient de marquer contre son camp. Premier but pour le Sénégal qui voit ses supporters de la place de l’obélisque chanter et danser ensemble de longues minutes après la reprise du match.

Mais les Sénégalais le savent. Rien n’est joué. Le public retient encore son souffle. « On ne veut pas d’une victoire avec un seul but comme cela. On veut gagner avec la manière », chuchote un homme à son voisin. Le match est alors suivi dans la plus grande concentration avec pour seul bruit de fond, les voix des commentateurs sportifs. Avant la mi-temps, le défenseur Ismaïla Sarr laisse planer l’espoir d’un second but. En vain.

Une victoire pour l’Afrique

En seconde période, plusieurs occasions manquées de Sadio Mané créent la consternation chez le public. Mais les sorties du gardien, Khadim Ndiaye, qui écarte les balles de l’attaquant polonais Lewandowski sont saluées. Et à la 61e minute, c’est la consécration pour les Lions de la Teranga avec un second but, par Mbaye Niang.

Nouvelle explosion de joie chez les supporters qui se montrent alors plus confiants que jamais. Mais à quatre minutes de la fin du temps réglementaire, la Pologne réduit la marque avec un but de Krychowiak, faisant planer la menace d’un match nul voire d’une défaite. « C’est le problème des équipes africaines. On se relâche en pensant avoir gagné alors que le match n’est pas fini. Mais ça doit être un héritage colonial puisque l’équipe de France fait souvent la même chose », s’amuse Abdoulaye Ndiaye.

Les derniers instants de la rencontre se déroulent dans une atmosphère pesante, avant la délivrance au bout des quatre minutes additionnelles. « On a sauvé l’honneur africain », s’époumonent les supporteurs, en référence aux défaites des autres équipes du continent pour leur entrée dans la compétition. « Nous ne sommes pas des Lions pour rien », se réjouissent d’autres fans qui se disent fiers de l’équipe et de l’entraîneur, Aliou Cissé. « C’est le plus jeune de cette compétition, et c’est le seul noir. Nous sommes contents de son travail. » La fête s’est ensuite poursuivie dans toute la ville où les manifestations spontanées ont été nombreuses.