L’attaquant de pointe de l’équipe de France Olivier Giroud à la bataille avec le milieu de terrain péruvien Pedro Aquino, le 21 juin à Iekaterinbourg. / HECTOR RETAMAL / AFP

A force de tâtonner et de phosphorer devant son tableau noir, le sélectionneur Didier Deschamps aurait-il enfin trouvé la bonne formule ? Une partie de la réponse a été apportée par les joueurs de l’équipe de France, victorieux (1-0) du Pérou, jeudi 21 juin, sous la bruine de Iekaterinbourg. Aux portes de la Sibérie, les Bleus se sont imposés « au métier », dira-t-on, et la sueur au front. Malgré les scories dans la circulation du ballon et autres imperfections, ils ont ainsi validé leur qualification pour les huitièmes de finale de la Coupe du monde.

Les planètes s’alignent d’autant plus que le nul (1-1) entre l’Australie et le Danemark propulse les Tricolores en tête de la poule C, avec six points au compteur et deux points d’avance sur leurs dauphins scandinaves. Il ne leur restera plus qu’à neutraliser les Vikings (un point suffit), mardi 26 juin, au stade Loujniki de Moscou, pour conserver la première place du groupe.

Le retour des trentenaires

Contrat rempli, donc, pour Deschamps, dont le retour aux fondamentaux s’est révélé gagnant. Après l’inféconde cure de rajeunissement imposée lors de la victoire inaugurale (2-1) contre l’Australie, Deschamps avait décidé d’envoyer sur le banc le prodige Ousmane Dembélé (21 ans) et Corentin Tolisso (23 ans), représentants de la nouvelle vague. En quête d’équilibre, le patron de l’équipe de France a ainsi choisi de sortir du placard les expérimentés (plus de 140 apparitions sous le maillot bleu à eux deux) Blaise Matuidi, milieu relayeur au profil de marathonien, et Olivier Giroud, prolifique avant-centre (31 buts inscrits en 75 sélections) et précieux point d’appui. Soit deux grognards de 31 ans, sacrifiés au premier match sur l’autel du renouvellement.

Outre les hommes, Deschamps avait également changé son système de jeu. La « purge » entrevue contre les Socceroos l’a poussé à renouer avec une forme de classicisme et avec le fameux schéma tactique (4-3-2-1) qui avait permis à ses protégés d’atteindre la finale de l’Euro 2016. Dans l’Oural, force est de constater que ces réajustements ont permis aux Bleus de corriger le tir. « On a été efficaces et solides, même si on a souffert et beaucoup trop défendu, a estimé Deschamps, soulagé après ce nouveau succès étriqué. Mais on a défendu avec beaucoup de solidarité pour tenir notre résultat. Je n’ai pas été totalement satisfait, mais on n’a rien donné à l’adversaire. »

Ce déplacement à Iekaterinbourg, où les Lada d’un autre âge doublent les trolleybus décatis, n’incitait pas le sélectionneur à baisser la garde. Avec ses deux tribunes vertigineuses constituées d’échafaudages, le stade de la quatrième ville de Russie a offert une acoustique hostile aux Bleus. Près de 20 000 supporteurs péruviens ont fait vibrer l’écrin, entre nuée de klaxons et chants à la gloire des « Incas ». Lesquels disputaient leur premier Mondial depuis 1982. On se serait cru à l’Estadio Nacional de Lima tant la Iekateinbourg Arena était parée de rouge et de blanc.

« On aurait pu oser un peu plus »

Dans cette atmosphère étouffante, le onze titularisé par Deschamps s’apparentait à un commando rompu aux missions périlleuses, avec six vétérans du Mondial brésilien 2014 alignés au coup d’envoi. Sous pression, les Bleus s’en sont remis à leurs vieux chevaux de retour. A la pointe de l’attaque, Olivier Giroud a su répondre au défi physique proposé par les Péruviens. Maître des airs, percutant, l’avant-centre de Chelsea est à l’origine du seul but de la rencontre : sa frappe déviée a atterri dans les pieds du jeune Kylian Mbappé (19 ans), à l’affût dans la surface.

Sa prestation convaincante a amené Deschamps à lui tresser des lauriers. « Olivier a été très bon dans la déviation et les remises. C’est notre meilleur buteur, a déclaré le sélectionneur. On voit qu’il a l’habitude d’évoluer avec Antoine Griezmann. C’est souvent quand il n’est pas là qu’on voit à quel point il nous est utile. » Déjà incisif dès son entrée contre l’Australie, le numéro 9 des Tricolores a joué aux journalistes le refrain de l’éternel revanchard, sempiternellement condamné à prouver sa valeur. « J’étais particulièrement attendu, comme j’allais figurer dans la composition de départ », a glissé le Savoyard, en esquissant un rictus satisfait.

L’autre « rentrant », Blaise Matuidi, ne s’est pas économisé sur son flanc gauche. Sous les sifflets stridents des supporteurs péruviens, le milieu de la Juventus Turin a remonté beaucoup de ballons, bien assisté, en deuxième rideau, par l’infatigable N’Golo Kanté et par Paul Pogba, ses deux compères de l’entrejeu « Dans son registre, Blaise a apporté de la densité, de l’agressivité. On avait besoin d’équilibre avec ce système de jeu », a considéré Deschamps.

Tout en retenue devant les journalistes, le technicien oscillait entre satisfaction et agacement. « On aurait pu prendre un peu plus de marge et ainsi se donner de l’air. Mais, par rapport à nos manques et aux insuffisances du premier match, en termes de contenu, il n’y a pas photo, surtout collectivement », a-t-il confié, dans l’auditorium de la Ieakaterinbourg Arena. Son capitaine et gardien, Hugo Lloris, a dressé le même constat. « On a su rester solides et disciplinés mais on aurait pu oser un peu plus balle au pied », a pointé le portier des Bleus, qui a honoré sa centième sélection contre le Pérou.

Conforté dans ses choix tactiques, Deschamps peut avancer avec davantage de certitudes vers le match contre le Danemark, lors de la « finale » du groupe C. « On va jouer pour gagner, a insisté le Bayonnais. Je ne raisonnerai jamais en disant :Si on est deuxième, on peu rencontrer Untel ou Untel en huitièmes de finale.” » Cette fois, le sélectionneur ne modifiera pas ses plans.