L’avis du « Monde » - Pourquoi pas

Intouchables (Eric Tolédano, Olivier Nakache, 2011) et ses dix neuf millions de spectateurs a façonné l’archétype cinématographique d’une cohabitation harmonieuse entre Français de plus ou moins longue extraction, riches et pauvres, gens des villes et gens des cités. Le cinéma étant par ailleurs une industrie, il était fatal qu’une litanie de films, eu égard à un succès aussi considérable, se mettent au diapason. Philippe Mechelen et Julien Hervé – qui ne sont pas des bleus en matière de succès puisqu’ils sont les scénaristes des Tuche – se sont donc mis sur les rangs pour leur baptême de réalisation.

La séquence d’ouverture invite ainsi à une petite sémiologie accessible à tous. Plaque de scooter 93 en gros plan, musique funky sur l’engin qui se faufile dans la circulation, Malik Benthala dessus en Gavroche issu de l’immigration et responsable des chariots à Roissy 3, drague malicieuse de deux hôtesses, fine fleur du charme français, qui débarquent d’un aérogare voisin. Tout est dit. L’enfant de l’immigration qui rame avec une tchatche sans pareille, l’aspiration à séduire les beautés du cru, le groove américain pour mettre tout le monde d’accord.

Le principe du « marabout de ficelle »

L’action va toutefois se nouer autour d’un autre couple. Michel (Kad Merad), responsable de la voirie à Poissy, passe une annonce pour retrouver, contre récompense, le doudou de sa fille perdu à Roissy. Sofiane (Malik Benthala), qui voit une belle occasion de mettre du beurre dans les épinards, l’appelle en prétendant avoir trouvé ce qui n’est qu’un ourson neuf grossièrement maquillé. Le coup ne marche pas mais constitue la pierre de touche d’un récit qui va mener les deux hommes, partant d’une vidéo qui montre l’objet embarqué par une grand-mère, sur la piste du doudou selon le principe du « marabout de ficelle ».

Un film inégal, bridé, entre la tentation de la folie et la peur de lui laisser le champ libre

Argument délibérément ténu et principe d’écriture réglé sur une volonté de fantaisie donnent ici un film inégal, bridé, comme souvent dans la comédie française, entre la tentation de la folie et la peur de lui laisser le champ libre. Ce film de tandem, formule comique éprouvée, est surtout l’occasion de confronter à travers ce couple de héros positifs deux générations de stand uppers franco-maghrébins (quand bien même Kad Merad camperait ici un édile provincial) à tout ce que la France compte de forces plus ou moins rassises. Une grand-mère anciennement collabo, un châtelain dégénéré, un vigile sadique, un escroc de l’action caritative, une congrégation de bourgeois catholiques bon teint, on en passe et des meilleures.

Tout cela, on l’aura compris, offre un spectacle plutôt bon enfant et optimiste (voir le happy end), dans un contexte européen de montée des intolérances qui devient quant à lui franchement inquiétant. Le « doudou » n’est ainsi pas seulement le titre du film, il en qualifie la fonction.

Le Doudou - Bande-annonce Officielle HD
Durée : 01:33

Film français de Philipe Mechelen et Julien Hervé. Avec Kad Merad, Malik Benthala, Guy Marchand. (1h22) Sur le web : www.facebook.com/pathefilms, www.pathefilms.com/film/ledoudou