Emmanuel Macron doit s’exprimer, jeudi 21 juin, sur la principale place de Quimper, pour détailler son « pacte girondin ». Précisément là où, le 2 février 1969, le général de Gaulle avait tenu son dernier grand discours de président de la République, lors duquel il avait tracé les grandes lignes de son projet de décentralisation et annoncé le référendum sur la régionalisation qui devait l’amener à quitter le pouvoir moins de trois mois plus tard. « Ce n’est pas un hasard, Emmanuel Macron s’inscrit dans une tradition historique, c’est parfaitement assumé », explique l’Elysée.

Entre le chef de l’Etat et les collectivités, cependant, les relations sont toujours aussi tumultueuses. A quelques jours de la fin de la période ouverte pour la signature des contrats de modération des dépenses de fonctionnement, régions et départements ont réaffirmé, mercredi 20 juin, leur hostilité à ce qu’ils considèrent comme « une mise sous tutelle ». Le ton s’est notamment durci du côté de l’Assemblée des départements de France (ADF), dont le président, Dominique Bussereau, avait jusqu’à présent privilégié la voie du dialogue.

Lors de leur assemblée générale, mercredi, les départements se sont prononcés à 77 % contre la signature des pactes financiers qui, estime M. Bussereau, ressemblent plus à des « lettres de cadrage ». Dans son propre département, la Charente-Maritime, il a décidé de ne pas signer.

Alain Cadec, le président (LR) des Côtes-d’Armor, qui accueillait mercredi M. Macron au cap Fréhel, ne cache pas son amertume. « Le pacte girondin de Macron, c’est des mots. Nous, on veut des actes, assure-t-il. Les Bretons comprennent petit à petit que le président néglige les territoires, le gouvernement étrangle les départements, on a de moins en moins de moyens pour assurer nos missions. »

« Totalement absurde »

« Avec des dépenses sociales en augmentation, le plafonnement à 1,2 % [de progression annuelle moyenne des dépenses de fonctionnement] est intenable, estime François Sauvadet, président (UDI) du département de la Côte-d’Or. Nous sommes dans une impasse, sans aucune marge de discussion possible. Le vote des départements exprime cette incompréhension. » Son homologue de l’Aude, André Viola (PS), campe sur la même ligne de refus : « A gauche, rares sont ceux qui signeront ces contrats, car c’est une atteinte à la décentralisation et à la libre administration. Un contrat, ça se négocie, ça se partage. Ce n’est pas le cas. »

La réponse de Matignon ne s’est pas fait attendre. Lors des dernières négociations avec les départements, Edouard Philippe leur avait laissé entrevoir la possibilité de porter les droits de mutation à titre onéreux, les « frais de notaire », actuellement plafonnés à 4,5 % des transactions, à 4,7 %. Deux dixièmes de point qui, s’ils étaient appliqués par tous les départements, représentaient une manne de 490 millions d’euros et que l’ADF annonçait vouloir intégralement « flécher » vers un fonds de péréquation destiné à aider les départements les plus en difficulté. « Compte tenu de la position prise par les départements, cette porte s’est refermée », indique Matignon.

Joint par Le Monde, M. Bussereau tombe des nues. « Cette décision ne m’a pas été communiquée mais, si c’est le cas, c’est totalement absurde et d’une extrême maladresse, car cela va pénaliser les politiques de solidarité, s’insurge le président de l’ADF. Cela va rendre les relations très compliquées. »

« Attention à l’instrumentalisation »

Du côté des régions, dont la majorité d’entre elles refuse également la contractualisation, la tonalité est tout aussi sévère. « Je pense que le président de la République a un problème avec les corps intermédiaires et il se trompe très lourdement, juge Hervé Morin, le président de Régions de France. En fait, ce sont les directions de Bercy qui ont pris le pouvoir. »

L’Elysée relativise ces prises de position. « Le président de la République veut faire vivre le pacte girondin. Beaucoup d’élus sont prêts à jouer le jeu et veulent avoir une relation contractuelle avec l’Etat, affirme l’entourage de M. Macron. Il faut faire attention à l’instrumentalisation par des partis politiques repliés sur leurs exécutifs locaux et qui s’en servent pour s’opposer au chef de l’Etat. Cela les renvoie à leur propre responsabilité. »

D’ici au 11 juillet, date de la prochaine conférence nationale des territoires, les discussions vont se poursuivre, dès jeudi, au sein de l’instance de dialogue réunie à Matignon. Mais le climat risque d’être tendu.