Une trottinette électrique en libre-service dans les rues de San Francisco (Californie), le 17 avril. / JUSTIN SULLIVAN / AFP

Après les vélos « flottants », les trottinettes électriques en libre-service arrivent en France. Vendredi 22 juin, la start-up américaine Lime va déployer, dans les rues de Paris, plusieurs centaines d’appareils pouvant être loués avec un smartphone. « La solution de mobilité qui manquait à la capitale », assure Arthur-Louis Jacquier, directeur général de Lime France.

Contrairement aux Vélib’, le système ne repose pas sur des bornes de stationnement. La location est simple. Elle s’effectue par l’intermédiaire d’une application mobile, qui affiche sur une carte les trottinettes situées à proximité. Elle coûte un euro, puis 15 centimes par minute. Les trottinettes peuvent atteindre une vitesse de 25 kilomètres par heure. Une fois arrivé à destination, il suffit simplement de les laisser sur le trottoir.

Depuis le début de l’année, ces trottinettes ont envahi de nombreuses villes américaines. Non sans créer des problèmes. Début juin, Lime et ses rivales, Bird et Spin, ont dû retirer de San Francisco leurs flottes, qu’elles avaient lancées sans autorisation. Elles ne pourront reprendre leur activité qu’après avoir obtenu l’un des cinq permis mis en jeu dans le cadre d’un programme pilote et à condition de respecter une série de nouvelles règles.

La réaction des élus de la cité californienne n’est pas un cas isolé. D’autres grandes villes américaines, comme Seattle, Austin et San Diego, haussent aussi le ton face aux ambitions de ces entreprises, en encadrant leur activité et leur développement. Malgré tout, les investisseurs continuent d’affluer et injectent des centaines de millions de dollars, soucieux de ne pas manquer ce qui pourrait être la prochaine vague de la mobilité urbaine.

Un taux d’adoption « incroyable »

D’ailleurs, ce marché aiguise aussi les convoitises d’Uber et de Lyft. Ainsi, à San Francisco, les deux plates-formes américaines de voitures de transport avec chauffeur (VTC) ont déposé un dossier auprès de la mairie pour participer au programme pilote. Avec les trottinettes, les deux groupes ciblent le créneau des petits trajets, qui, pour l’essentiel, leur échappe encore.

Les trottinettes électriques sont avant tout destinées aux courtes distances. Elles n’entrent donc pas directement en concurrence avec les services de VTC, davantage utilisés pour des courses plus longues. « Bon marché et omniprésentes, elles sont en compétition avec la marche », estime ainsi Andrew Chen, associé au sein du prestigieux fonds de capital-risque Andreessen Horowitz, qui a investi en 2017 dans Lime. « Imaginez la taille du marché », s’enthousiasme-t-il.

« Le taux d’adoption est incroyable », assure M. Chen. Si l’activité est encore limitée à quelques villes, et donc modeste, les investisseurs parient sur un fort potentiel de croissance. Selon le quotidien britannique Financial Times, Bird est sur le point de conclure une levée de fonds d’un montant de 300 millions de dollars, qui s’ajouteront aux 250 millions déjà récoltés en deux fois, en mars (100 millions) et en mai (150 millions). Moins d’un an après son lancement, la jeune société verrait sa valorisation s’approcher des 2 milliards de dollars. Du jamais vu dans la high-tech américaine.

Bird souhaite être présente sur 50 marchés d’ici à la fin de l’année. « Nous ne serons pas satisfaits tant qu’il n’y aura pas plus de trottinettes que de voitures », promet au New York Times son patron, Travis VanderZanden, un ancien dirigeant d’Uber. De son côté, Lime finalise un tour de table de 250 millions de dollars, sur la base d’une valorisation d’un milliard, auprès notamment de GV, l’un des fonds d’investissement de Google.

Course de vitesse

Entre les divers acteurs du marché, une course de vitesse s’est engagée. Il est primordial de récolter des capitaux pour pouvoir se lancer dans d’autres villes avant la mise en place de nouvelles normes. Cela doit notamment permettre de négocier en position de force, en mettant les utilisateurs à contribution pour faire pression sur les élus. Une tactique utilisée avec succès par Uber à ses débuts.

Ce développement à marche forcée provoque cependant la colère d’une partie des habitants. Sur les réseaux sociaux, les messages se multiplient pour dénoncer des trottinettes mal garées ou zigzaguant sur les trottoirs, entre les piétons. En réponse à ces critiques, plusieurs municipalités ont établi un cadre réglementaire. A San Francisco ou Santa Monica, un permis sera désormais nécessaire. De surcroît, le nombre de trottinettes en circulation sera limité et les sociétés devront partager les données sur l’utilisation de leur service.

L’essor des trottinettes électriques s’effectue au détriment des vélos sans borne, dits « flottants ». Importé de Chine, ce modèle n’a pas encore fait ses preuves. Après s’être lancées sur ce marché, Lime et Spin se concentrent désormais sur les trottinettes, qui présentent un avantage financier : elles sont moins chères à l’achat et leurs coûts de maintenance sont inférieurs.

Pour autant, les niveaux de valorisation de ces plates-formes restent à justifier. « Il est fréquent de sous-estimer les coûts », prévient l’investisseur Bill Gurley. Comme les vélos, les trottinettes sont en effet en butte aux dégradations. Elles doivent en outre être rechargées par des travailleurs indépendants rémunérés entre 5 et 20 dollars par appareil. Enfin, à San Francisco, le conseil municipal vient d’imposer une assurance obligatoire pour tous les clients.