Quatre-vingt-quatre militaires et policiers ont été tués dans le conflit qui oppose, depuis fin 2017, forces de sécurité et groupes armés séparatistes dans les régions anglophones du Cameroun, selon un document présenté mercredi 20 juin par le premier ministre, Philémon Yang, qui n’a pas donné le nombre de morts côté séparatistes.

Le gouvernement a en revanche dressé une liste de 14 séparatistes établis à l’étranger et présentés comme « les soutiens [principaux] des réseaux terroristes » via la collecte de fonds « pour l’achat d’armes et le financement des activités terroristes ». Le document affirme en outre que « plus de 120 cas d’incendies d’écoles » par les séparatistes, qui ont à plusieurs reprises appelé à boycotter les établissements scolaires, ont été recensés.

Le document du gouvernement détaille un plan d’assistance humanitaire d’urgence pour les deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Il prévoit une enveloppe de 12,7 milliards de francs CFA (près de 20 millions d’euros), qui sera financée par « le budget de l’Etat, l’appel à la solidarité nationale et la contribution des partenaires internationaux ».

« Viols et unions forcées »

Dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, les combats sont devenus quasi quotidiens entre les forces de sécurité camerounaises et des hommes armés se réclamant de « forces de restauration » d’un Etat anglophone qui avait brièvement vu le jour entre les deux guerres mondiales, sous mandat britannique.

Les deux camps s’accusent mutuellement de diverses violences et de propagation de fausses informations. Selon le document gouvernemental, les réseaux sociaux ont joué un rôle « particulièrement nocif » dans l’aggravation de la crise, avec une campagne séparatiste « soutenue pour répandre la peur, la haine et la violence ».

« Pour financer leurs activités terroristes, les groupes criminels rackettent les populations », a affirmé Philémon Yang. Selon lui, les populations « subissent également des représailles qui se traduisent par des viols, des unions forcées de jeunes filles avec les terroristes ». Les séparatistes, selon le premier ministre, « déscolarisent et recrutent dans leurs rangs plusieurs mineurs utilisés comme combattants ». Ces enfants sont « conditionnés par la consommation de stupéfiants et la soumission aux rituels magico-occultes », a-t-il encore déclaré.

« Exécutions extrajudiciaires »

En réponse à la crise, le gouvernement central a déployé fin 2017 de nombreuses forces dans les deux régions anglophones sur les dix que compte le pays. Dans un rapport paru mi-juin, Amnesty International les a accusées de « violations des droits humains, dont des homicides illégaux, des exécutions extrajudiciaires, des destructions de biens, des arrestations arbitraires et des actes de torture durant des opérations militaires ».

Témoignages et photos à l’appui, Amnesty a documenté 23 cas de torture dans le village de Dadi (Sud-Ouest) en décembre 2017. « La population est prise entre deux feux, entre le marteau et l’enclume : entre les violations des droits de l’homme et les crimes commis par les forces de sécurité, et la violence des séparatistes armés qui s’en prennent également aux citoyens ordinaires », avait estimé Ilaria Allegrozzi, chercheuse d’Amnesty International. Autant d’accusations démenties par le gouvernement camerounais, qui a accusé Amnesty de « mensonges grossiers ».

Fin mai, l’ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun, Peter Henry Barlerin, avait lui aussi dénoncé des « assassinats ciblés » commis par les forces gouvernementales et des « meurtres de gendarmes » commis par des séparatistes. Il était présent mercredi lors de la présentation du rapport officiel par le premier ministre camerounais.

Quelque 160 000 personnes ont dû fuir leur logement à la suite des violences, selon l’ONU, et 34 000 se sont réfugiées au Nigeria, selon l’Agence nigériane de gestion des urgences.