Les élus du comité du Syndicat Autolib’ Vélib’ Métropole ont voté, jeudi, la résiliation du contrat les liant au groupe Bolloré. / JOEL SAGET / AFP

« Hidalgo fiasco !, Hidalgo fiasco ! » : devant la mairie du 12e arrondissement, jeudi 21 juin, une petite centaine de salariés d’Autolib’ scandaient ce slogan. Tandis que sur les marches, devant eux, Philippe Brillault, maire (Les Républicains) du Chesnay (Yvelines), leur expliquait, micro en main, qu’il comptait faire échec à « la décision de la maire de Paris d’arrêter Autolib’ ». Avec la bénédiction du groupe Bolloré, un petit bataillon d’élus de banlieue de droite a tenté de s’opposer au vote de la résiliation, jeudi, par le Syndicat Autolib’ Vélib’ Métropole (SAVM). Leur mobilisation n’a pas empêché la sentence de tomber.

Réuni dans la salle des fêtes de la mairie du 12e, le comité du SAVM, qui compte une centaine d’élus, a donné son feu vert à l’arrêt – non encore effectif – du service d’autopartage concédé au groupe Bolloré par le précédent maire de Paris, Bertrand Delanoë, en 2011. Le scrutin était dénué de suspense. La Mairie de Paris est majoritaire avec 55 % des voix (606 sur 1 208, réparties entre une centaine de communes). Chaque ville a autant de voix que de stations Autolib’ sur son territoire. Et la capitale était favorable à la résiliation.

Clivage droite-gauche

Ce vote découle de la bataille financière entre les communes et Autolib’, qui dure depuis des mois. Le 15 juin, la présidente du SAVM, Catherine Baratti-Elbaz, maire (PS) du 12e, a annoncé qu’elle proposerait au comité syndical de refuser de payer la somme, « abracadabrantesque » selon Mme Hidalgo, exigée par le groupe Bolloré pour combler le déficit d’Autolib’. Par courrier du 25 mai au SAVM, l’industriel réclamait 233,7 millions d’euros aux communes d’ici à 2023. L’acceptation ou le refus de payer sont censés, selon le contrat, lui être notifiés par le SAVM avant le 25 juin. Sur la foi de plusieurs expertises juridiques, la Mairie de Paris a estimé qu’elle avait avantage à assortir le refus de verser la somme d’une demande concomitante de résiliation du contrat. Cette stratégie devrait lui permettre, selon les juristes consultés, d’espérer contrer les exigences financières de Bolloré au titre de l’arrêt du service, en cas de contentieux devant le tribunal administratif. Des exigences qui, selon l’industriel, pourraient s’élever à près de 300 millions d’euros.

Jeudi, Mme Baratti-Elbaz a estimé à « moins de 100 millions d’euros » le coût de la résiliation. « C’est un engagement que je prends devant vous au vu des analyses juridiques dont nous disposons », a-t-elle déclaré. Peu précise, cette évaluation n’a visiblement pas été le premier critère pris en compte par les élus. Le vote sur l’arrêt d’Autolib’ a surtout fait apparaître un clivage droite-gauche.

Les représentants des villes de gauche ont majoritairement voté pour la résiliation en reprenant l’argumentaire de la maire socialiste de Paris et du SAVM. « C’est Bolloré qui prend la responsabilité de l’arrêt du service par l’ultimatum financier qu’il nous pose », a fait valoir Gilles Gauché Cazalis, l’élu (Gauche citoyenne) représentant la ville de Nanterre au syndicat.

En coulisses, les ponts ne sont pas rompus

Les élus de droite et du centre se sont pour la plupart abstenus ou ont voté contre la résiliation. « Nous, les maires de banlieue, sommes les dindons de la farce, s’est emporté Philippe Ribatto, adjoint à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine). Hidalgo a voulu interrompre le service et a pris le syndicat pour une chambre d’enregistrement », expliquait l’élu pour justifier son vote contre la fin d’Autolib’. « Nous voulons voir perdurer un service qui donne satisfaction aux usagers et qui pourrait même se développer considérablement », assurait le maire du Chesnay, M. Brillault. Ce proche de Valérie Pécresse, présidente (LR) de la région Ile-de-France, a annoncé son intention de saisir le tribunal administratif sur la légalité du vote de la délibération et de certaines décisions du SAVM. « Le syndicat n’a pas fait preuve de suffisamment de transparence envers les élus et n’a pas pris la mesure du risque de déficit assez à temps en 2015 et 2016, et ce malgré les alertes successives de Bolloré », déplorait Xavier Caron, adjoint (LR) à Enghien-les-Bains (Val-d’Oise) qui a refusé de prendre part au vote.

Plusieurs élus de droite ont demandé une suspension de séance pour pouvoir entendre Marie Bolloré, patronne du pôle mobilité électrique de Bolloré, et Gilles Alix, directeur général du groupe, assis discrètement dans le public de la salle des fêtes. Mais leur requête a été rejetée par Mme Baratti-Elbaz. « On va continuer à se battre. Ne croyez surtout pas les balivernes du syndicat, La Ville de Paris a pris la décision de résilier le service pour des raisons électoralistes ! », s’est indigné M. Alix. « Nous irons au tribunal administratif et nous obtiendrons beaucoup d’argent », assurait-il en s’engouffrant avec fracas dans le vestibule de la mairie.

Le groupe Bolloré et la Mairie de Paris ont chacun voulu éviter de perdre la face ces derniers jours et se renvoient la responsabilité de la mort du service d’autopartage. Mais, en dépit de la bataille de communication autour de l’enterrement d’Autolib’, en coulisses, les ponts ne sont pas rompus. Vendredi, les représentants de Bolloré et le SAVM avaient rendez-vous. Le sort des 267 salariés d’Autolib’ et la date précise d’arrêt du service sont en débat. Les négociations financières, elles aussi, se poursuivent.